Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/379

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

novembre, et de 6 degrés au-dessus de zéro jusqu’à 15 ou 20, pendant le reste de l’année. A Saigon et aux alentours, le thermomètre ne descend à 20 degrés que pendant quelques nuits de l’année. Les voies fluviales et les canaux appelés arroyos abondent dans cette fertile contrée, qui se trouve presque au niveau de la mer ; la population y est d’une intensité extrême. On y compte de nombreux catholiques gagnés au christianisme par des missionnaires français et espagnols.

Le riz, le maïs, la canne à sucre, qui se cultivent dans les provinces de la plaine, suffisent et au-delà aux besoins de la population. La production agricole serait bien plus grande si le roi Tu-Duc, pour éloigner les navires étrangers des ports de Tonkin, n’empêchait l’exportation des denrées hors du royaume. Les fruits, les légumes de la zone tropicale, les graines oléagineuses, les animaux domestiques, le poisson, qui est très abondant, le sel, qui manque dans la région élevée, mais qui se trouve ici en grande quantité, font vivre à bon marché une population nombreuse. Le coton, la soie, l’ortie de Chine et le ricin sont cultivés également dans les terrains légers.

La ville d’Hannoï, qu’entoure une citadelle, est bâtie en briques ; ses rues sont dallées comme presque toutes les rues des villes chinoises. Elle compte de cent vingt à cent trente mille habitans dont dix mille Chinois environ. Dans la citadelle se trouvent le palais des Le, anciens rois du Tonkin, et les résidences des mandarins. Tout cela tombe presque en ruine, quoique solidement construit en briques à l’origine. Bien que la citadelle ne soit plus la résidence royale, Hannoï est la première ville de l’Annam pour les arts, l’industrie, le commerce, la richesse, la population, le savoir-vivre et les études. C’est de là que viennent les hommes de lettres, les bons ouvriers, les gros commerçans ; c’est encore de là que sortent les objets de nécessité, d’art et de luxe. Aussi une grande route relie-t-elle Hannoï à Hué et à tous les chefs-lieux de la province. Elle fut tracée et ouverte par Gia-Long, mais ses successeurs, dans une intention politique bien évidente, ont négligé de l’entretenir.

D’Hannoï à la mer, le Fleuve-Rouge se divise en plusieurs branches dont la plus accessible est celle qui porte le nom de Cua-Loc. Quand le pays sera définitivement ouvert au commerce, la navigation s’effectuera de la mer à Hannoï par le Thaï-Bind et le Cua-Loc. La barre du Thaï-Bind, à marée haute, peut laisser passer des navires de 3m, 50 à 4 mètres pendant les huit mois des hautes eaux, de mai à décembre. Pendant la saison sèche ou les cinq autres mois, les navires de ce tonnage seront obligés de transborder dans le Cua-Loc, sur des bateaux de rivière à fond plat et calant de 1m, 80 à 2 mètres, pour remonter jusqu’à Hannoï. La navigation du