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population nombreuse qui a été anéantie ou dispersée par les bandes chinoises ; aujourd’hui que les Pavillons-Jaunes ont disparu et que les Pavillons-Noirs semblent vouloir créer, comme à Tuân-Quan des établissemens fixes, les mandarins annamites s’efforcent de reconstituer les villages en y ramenant les anciens propriétaires du sol ; on les exempte d’impôts et on leur distribue même des secours. Jusqu’au hûyen de Tan-ba, le pays cesse peu à peu d’être mouvementé ; c’est à peine si quelques mamelons viennent encore baigner dans le Fleuve-Rouge leurs bases à roche calcaire. On se trouve ici dans le pays que les missionnaires appelaient « la petite Suisse » au temps de leur persécution, lorsqu’ils voulaient éviter de prononcer devant les indigènes qui les espionnaient les noms annamites de leurs chrétientés.

A partir de la douane de Gia-du, — on prononce, paraît-il, Ya-you, — douane située au sommet du coude très remarquable que le fleuve forme en cet endroit, l’on pénètre dans la partie du Tonkin sur laquelle le roi Tu-Duc peut enfin se flatter d’exercer son autorité, et, en vérité, il n’est pas trop tôt. L’on aborde également ici la région des villages chrétiens ; celui de Yen-Tass est le dernier que l’on trouve en remontant vers le Yunnan. La douane de Gia-du ne rend plus ce qu’on lui vit jadis produire. Autrefois, les échanges par la voie du fleuve étaient considérables, et les marchands d’Hannoï faisaient fréquemment partir pour la frontière chinoise des convois de vingt et trente barques. Mais depuis bien des années, c’est-à-dire depuis l’apparition des Pavillons-Jaunes et Noirs, toute activité commerciale a disparu.

Les principales marchandises qui passent à Gia-du pour se diriger vers Lao-kaï, se composent de sel, de coton brut, de coton filé, d’étoffes et de tabac de la province de Fo-Kien ; ce dernier très recherché pour la pipe à eau dont on se sert beaucoup au Tonkin. Les marchandises qui viennent du Yunnan se composent d’opium blanc, inférieur en qualité à celui de Chine, de thé en galettes pressées, de bois de construction, de faux gambier, d’autres bois de teinture, de champignons dits oreilles-de-bois, et enfin d’étain.

Il ne faut qu’un jour en remontant, et même moins en descendant, pour se rendre de Gia-du à Hung-hoa. Très resserré, le Fleuve-Rouge s’étend ici sur une largeur de 400 mètres environ.

Hung-hoa n’est qu’une forteresse entièrement cachée par les arbres qui l’entourent ; le petit village de ce nom dont on aperçoit du débarcadère une petite tour noire est également à peine visible. Le fort est situé à quelques pas de la plage ; c’est une enceinte carrée de 250 mètres de côté et dont une des faces est parallèle au fleuve. Les remparts enterre, très épais, entourés d’un large fossé,