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pittoresque. A 10 ou 20 lis plus bas, le fleuve s’est frayé un passage au milieu d’un terrain très mouvementé de collines qui servent, pour ainsi dire, de trait d’union aux deux chaînes. Il s’engage au milieu de ce labyrinthe agreste, tout en conservant une direction constante ; contournant de nombreux pics, il continue sa marche, se développant en mille sinuosités qui, à chaque instant, le dérobent aux yeux. Il serpente ainsi sur un fond rocheux dans un parcours d’environ 14 lieues, tout le long duquel de hautes collines bordent le fleuve sur chacune de ses rives, puis, les collines s’abaissent de nouveau, et l’on retrouve une vallée semblable à celle que l’on a quittée, ainsi que la série de mamelons qui courent se rattacher à la chaîne des montagnes dont les sommets ne peuvent être aperçus encore.

La faune de cette région est aussi très variée. L’éléphant est commun dans la partie sud-ouest du fleuve ; ce pachyderme ne passe jamais sur la rive gauche ; il marche par bandes nombreuses ainsi que le buffle, le bœuf sauvage et le rhinocéros. Le tigre royal et d’autres espèces plus petites abondent. On trouve également la panthère, le léopard, l’ours gris, l’ours noir et l’ours à miel, ce dernier toujours en quête des lieux où les abeilles s’assemblent. Comme gros gibier, on a le cerf, l’axis, le sanglier et le chamois. La chevrette musquée et le mouton sauvage se voient dans le haut du fleuve, près du Yunnan. Les singes, dont personne, dans ces solitudes, ne gêne les ébats, jouent par milliers dans les arbres. Enfin le gibier à plume y est tellement abondant, que les chasseurs seraient embarrassés pour choisir ; on y trouve le paon, le faisan, la perdrix, le coq de bruyère, la caille, et toutes les variétés de l’échassier. Parmi les palmipèdes figurent l’oie, le canard, la sarcelle et la macreuse.

Les grands arbres sont rares parce qu’on a déjà exploité ceux qui offraient de la valeur comme bois de construction. Mais le bananier sauvage, dont le tronc sert de nourriture à l’éléphant, couvre les collines. C’est en remontant les petits cours d’eau qui grossissent dans ces hautes régions le Fleuve-Rouge, que l’on trouve le cay~cho, un bel arbre d’une grande hauteur, n’ayant des branches et des feuilles qu’à son sommet où, comme les pins-parasols d’Italie, elles s’arrondissent en boule.

Les tribus sauvages ont fait le vide depuis 1871 dans les parages que nous venons de décrire ; elles se sont retirées dans l’intérieur où la nature les protège contre les bandits qui exploitent cette partie du Fleuve-Rouge. Pour ne laisser aucune trace de leur présence, ces tribus pénètrent dans le fleuve par les ravins qui y débouchent. « Quand parfois, dit M. Dupuis, nous apercevions