Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Oûa-tsong mourut ; ses deux lieutenans, Lieou-yûen-fou et Hoang-tsong-in, prirent le commandement des rebelles. Contraints de fuir devant les troupes impériales, ils remontèrent le Fleuve-Rouge jusque chez les sauvages indépendans et s’établirent dans leurs forêts. Bientôt après, les deux chefs allèrent mettre le siège devant Lao-kaï, alors entre les mains, — non des Annamites, comme on pourrait aisément te croire, mais entre celles d’un Cantonnais du nom de Hô-jen-Fau. Il y avait déjà neuf ans que ce dernier s’en était emparé à la barbe des Chinois et des Cochinchinois, aidés par quelques-uns de ses compatriotes en résidence à Mang-Hao.

A la fin de 1868, les deux chefs des rebelles réussirent à enlever d’assaut la ville qu’ils assiégeaient. Lieou-yûen-fou, qui commandait aux Pavillons-Noirs, s’installa dans la cité conquise ; Hoang-tsong-in, maître des Pavillons-Jaunes, choisit pour résidence la petite ville de Ho-yan, située au bord de la Rivière-Claire, l’un des affluens du Fleuve-Rouge.

Les Pavillons-Jaunes s’efforcèrent, au moyen de bons procédés, de faire tolérer leur présence par les riverains et les montagnards du voisinage ; ils établirent partout des postes pour protéger ces derniers contre les exactions des bandits dont les frontières de l’Empire-Céleste sont particulièrement infestées. Puis, comme ils manifestaient l’intention de rentrer en Chine, si le gouvernement impérial les amnistiait, les troupes annamites et chinoises cessèrent de les inquiéter. La conduite des Pavillons-Noirs fut différente ; ils commirent des exactions, enrôlèrent tous les malfaiteurs qui se présentèrent à eux, et se livrèrent à des excursions qui remplirent la contrée de terreur. Dans de telles conditions, une bonne intelligence ne pouvait durer longtemps entre les deux camps voisins. Les revenus des douanes établis sur le Fleuve-Rouge et la Rivière-Claire, devaient dès le principe être partagés entre les deux chefs, mais comme les revenus de Lao-kaï étaient plus considérables que ceux de Hô-. Yang, Lieou-yûen-fou voulut tout garder pour lui et ne plus rendre de comptes. La question s’envenima, et son rival Hoang-tsong-in vint l’attaquer dans Lao-kaï ; ne pouvant s’en emparer d’assaut, le chef des Pavillons-Jaunes fit établir un camp à Tuen-hia, sur le Fleuve-Rouge, afin de couper aux Pavillons-Noirs leurs communications avec le Tonkin, ce qui était une façon habile d’enlever à ses ennemis toutes leurs ressources.

A la suite d’un coup de main tenté sur le poste de Tuen-hia par les Pavillons-Noirs, trois cents de ceux-ci, se trouvant enveloppés par les Pavillons-Jaunes, se laissèrent aller à la dérive, et, débarquèrent aux avant-postes annamites de Kouen-ce, où, pour vivre, ils s’enrôlèrent au service du roi Tu-Duc Les Annamites se