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corps de débarquement n’étaient guère moins redoutables que leurs attaques par eau. Ils embarquaient sur leurs navires des chevaux que montaient les chefs ou qui étaient destinés à de petits détachemens de cavalerie, à l’aide desquels ils faisaient des incursions à l’intérieur. Dans les nombreuses descentes des Normands en France, on les voit souvent réquisitionner des chevaux, en imposer un certain chiffre aux pays envahis comme contribution de guerre. La richesse du harnachement que les Scandinaves d’alors affectaient pour leur monture est une nouvelle preuve du développement qu’avaient pris chez eux les différens genres de luxe. Comme l’usage voulait que les chefs se fissent enterrer avec le cheval sur lequel, d’après leurs croyances, ils devaient monter dans la resplendissante Valhalla, on a fréquemment retrouvé dans les anciennes sépultures des restes de harnais qui peuvent nous faire juger du goût que les hommes du Nord déployaient dans ce genre de fabrication. Ces équipemens, d’une richesse remarquable, apparaissent dès la première période de l’âge du fer, et dans l’âge suivant règne encore le même luxe, seulement le style de l’ornementation fut un peu différent. Les harnais étaient garnis de bronze doré ou même d’argent et d’or. Dans la Norvège méridionale, on a découvert, il y a quelques années, un éperon en or pur qui ne pesait pas moins de 313 grammes et qui présente le mode d’ornementation particulier à l’époque des Vikings ; sa surface extérieure est décorée d’entrelacs, de dragons et de serpens. Les mors, les étriers et les autres parties du harnachement offraient une égale richesse, et cette richesse, les Scandinaves la portaient aussi dans l’attelage de leurs chars et de leurs chariots. On a signalé dans les anciens tumulus du Danemark et exhumé du sol des colliers disposés par couples, ce qui indique que les chars étaient traînés par des chevaux attelés de front, ainsi que des mancelles doubles exécutées d’une façon non moins somptueuse. Les attelles étaient souvent plaquées d’or, incrustées d’argent et de niellures, et le style de tous ces ornemens de harnais prouve suffisamment que c’étaient des produits de l’industrie nationale et non des importations de l’étranger.

Un fait achève de démontrer cette origine indigène. Aux environs de Viborg en Jutland, on a trouvé, à côté de deux attelles qui n’étaient pas entièrement achevées, un grand nombre de minces appliques dorées faites au repoussé dans le même style, et près de là a été recueillie l’estampille dont l’ouvrier se servait pour imprimer les entrelacs sur les appliques. Des ornemens caractéristiques d’une forme analogue à ceux que portaient les attelles ont été découverts parmi les restes d’un ancien atelier de forgeron, près de Thjele en Jutland. Plusieurs des appliques dorées dont il vient