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Saint-Martin, a montré par un passage de Pline que, dès le Ier siècle de notre ère, les Norvégiens durent fréquenter cette île, la Thulé du Massaliote Pythéas. L’Islande reçut des bâtimens scandinaves, et les hommes de cette nation y installèrent une colonie en 878. Peu de temps après, ils s’avancèrent jusqu’au Groenland. Un Scandinave, Eric le Rouge, y fonda, en 986, un premier établissement d’où sont sorties diverses autres colonies qui s’échelonnèrent des deux côtés de cette vaste terre où l’antique présence des Normands a été attestée de nos jours par la découverte d’inscriptions runiques et de restes d’anciennes habitations. Une vingtaine d’années plus tard, le fils d’Éric et quelques-uns de ses compagnons, dans une course vers le sud-ouest, arrivaient en vue des côtes du Labrador, contournaient l’île de Terre-Neuve, et descendaient jusqu’aux rives d’un fleuve qui paraît avoir été l’Hudson, dont le cours est placé par le 40e degré de latitude. Ils donnèrent à cette terre lointaine, où ils avaient rencontré la vigne sauvage, le nom de Vinland, c’est-à-dire la terre à vin. La notion de ces contrées, si prodigieusement éloignées pour le temps, ne tarda pas à pénétrer en Europe, et on la trouve déjà consignée dans la Chronique ecclésiastique d’Adam de Brème, composée au XIe siècle.

Un grand développement commercial ne saurait se produire sans amener un progrès marqué dans les besoins et les mœurs. Le commerce et la guerre, voilà quels ont été dans le passé les plus puissans agens de la civilisation. Si la guerre a ouvert à bien des pays la voie du progrès que leur apportait l’ennemi, le trafic avec des nations étrangères n’a pas eu un effet moins bienfaisant. Le commerce ne put donc manquer d’introduire graduellement chez les Scandinaves des habitudes et des procédés d’industrie qui élevèrent le niveau social. On ne doit pas dès lors s’étonner de rencontrer, en fouillant les sépultures des IVe et Xe siècles, une foule d’objets, bijoux, ornemens, vêtemens, armes, ustensiles, qui dénotent une existence déjà quelque peu élégante et raffinée et où s’observe un style particulier aux contrées scandinaves. Ce n’est pas à dire que cet art ait été une création spontanée des peuples du Danemark, de la Norvège et de la Suède méridionale. Il est certain que ce fut sous l’influence de modèles apportés des pays latins et byzantins qu’il prit naissance. Dans d’antiques tombeaux de la Séelande, de la Fionie et de quelques îles voisines renfermant des squelettes assez bien conservés, on a découvert divers objets d’origine manifestement romaine, provenance attestée par la présence d’inscriptions latines. A l’époque que les antiquaires du Nord ont appelée le premier âge du fer et même à celle qui constitue la fin de l’âge du bronze, le commerce apportait déjà dans les contrées riveraines de