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ses institutions nouvelles, elle a retrouvé les ressorts de sa grandeur. C’est une dérision de la politique de prétendre donner le change à une nation comme la France avec des galas, des représentations en province, des concours d’admiration mutuelle organisés dans les banquets et des captations de popularité aux dépens de quelques congrégations religieuses.

La vérité est qu’à part une prospérité matérielle fruit du travail et de la paix, œuvre de la France elle-même, il reste immensément à faire et pour notre considération extérieure et pour notre armée et pour l’accomplissement de réformes pratiques toujours attendues et pour la réalisation d’un vrai système de garanties libérales. Que la république. puisse y suffire, qu’elle puisse par degrés se fortifier et s’accréditer en s’appropriant toutes les conditions d’un ordre régulier, en faisant le bien du pays, nous ne prétendons pas le contraire, nous ne demandons pas mieux que de le voir. C’est possible ; mais la première condition, c’est qu’on sorte de cette atmosphère de banalités et de jactances pour agir sérieusement, que la république consente à être le régime impartial de tout le monde au lieu de tendre de plus en plus à être une domination de parti. La condition première, c’est qu’il y ait une direction, une volonté répondant à toutes les bonnes volontés de la France, c’est qu’on sache où l’on va, qui règne et gouverne. Il ne suffit même pas que dans ce brouhaha de déclamations et d’ovations il y ait de temps à autre une parole de raison et de modération. La confusion est devenue telle qu’on finit assez souvent par ne plus savoir ce que signifient les mots les plus simples, jusqu’à quel point ils expriment la politique du pays et répondent à la réalité des choses.

Certainement il est toujours bon d’entendre M. le président de la république, qui est un homme grave et simple, assez étranger pour sa part à tout ce bruit des ovations du jour, il est bon d’entendre M. Jules Grévy tenir le langage qu’il tenait à son récent passage à Dijon en disant : « Il dépend de nous que l’attachement à la république s’accentue de plus en plus. Continuons à être sages. Ne nous laissons entraîner ni à l’impatience, ni à L’exagération, ni à la violence, et l’ère nouvelle dans laquelle nous sommes entrés après tant d’orages ne se fermera pas. » Sans doute il est aussi toujours intéressant d’entendre M. le président du conseil qui, lui, n’est pas allé à Cherbourg, mais qui est allé à Montauban, exposer sa politique. M. le président du conseil s’entend à ces discours. Il n’est pas heureux dans ses considérations historiques, dans sa philosophie des élections ; mais il sait tourner un programme de façon à le rendre commode et agréable. Il a l’art de plaire sans s’engager beaucoup. Rien certes de plus rassurant que d’entendre M. le président du conseil promettre la paix, un bon gouvernement, la conciliation, annoncer une loi sur les associations qui le dispensera peut-être de pousser à bout l’exécution des décrets du 29 mars et ajouter ou