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ce résultat fut accueillie par des applaudissement sur les bancs de l’opposition. Il était impossible en effet au gouvernement de se contenter d’une majorité d’une voix pour une réforme de cette importance. Le bill fut retiré. Pitt cependant ne renonçait pas à son projet. Il se donnait seulement du temps pour l’étudier de nouveau, le modifier et surtout désarmer les hostilités qu’il rencontrait.

Dans cette circonstance, le secrétaire en chef pour l’Irlande, lord Castlereagh, sut se rendre fort utile. Ce fut lui qui servit d’intermédiaire entre lord Cornwallis et le gouvernement anglais, toutes les fois qu’une difficulté grave se présentant, il fallait aller traiter directement l’affaire à Londres, Ce fut encore lui qui fut chargé de la délicate mission de rallier aux idées du gouvernement un certain nombre de pairs ou de députés récalcitrans. Aussi cette question fut-elle le premier échelon de sa grande fortune politique. Castlereagh était le fils d’un riche Irlandais nommé Stewart, qui épousa en secondes noces une sœur de lord Camden et qui fut élevé à la pairie irlandaise sous les titres de comte Londonderry et de vicomte Castlereagh. Selon l’usage, le second de ces deux titres fut attribué par courtoisie à son fils aîné, Robert Stewart. Le jeune lord Castlereagh entra dans la vie politique d’abord comme député à la chambre des communes d’Irlande et ensuite comme secrétaire particulier de lord Camden. Plus tard il suppléa Pelham comme secrétaire en chef pour l’Irlande. Dans ce poste, qu’il conserva définitivement à la mort de Pelham, il montra vite ses qualités et ses défauts : point d’élévation dans le talent ni dans le caractère, mais une parole ferme et précise, un esprit avisé, une volonté énergique. Presque aussi dur que lord Clare et encore moins scrupuleux, il était plus habile. Il ne recourait à la violence que quand il n’avait pas pu réussir par la corruption.

Lorsque le projet d’union eut échoué dans le parlement irlandais, Castlereagh, qui commençait à jouir d’un grand crédit auprès de lord Cornwallis et même de Pitt, eut une idée merveilleuse. Il proposa de désintéresser à prix d’argent les personnages qui se trouvaient lésés par cette réforme. Tel lord irlandais était en possession, par lui-même ou par l’un des membres de sa famille, d’une grasse sinécure qui allait être abolie. Tel autre disposait des élections dans un ou plusieurs bourgs dont la représentation allait être supprimée. Au fond, il y avait quelque chose de juste dans l’idée de Castlereagh, à condition de l’appliquer honnêtement. Certaines sinécures, par exemple, destinées à récompenser d’anciens services, équivalaient à de véritables pensions, et il n’était pas équitable de les supprimer sans compensation aucune.