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Après avoir repris Wexford, le général Lake, sans attendre les instructions de l’autorité supérieure, fit pendre les quatre personnages les plus importans qui étaient tombés dans ses mains, entre autres le capitaine Keogh, qui avait été gouverneur de la ville pour le compte de l’insurrection. Il ordonna ensuite de couper leurs têtes, qui furent exposées pendant plusieurs jours, sur des pieux, devant la porte du palais de justice de Wexford.

Lord Cornwallis, que ces cruautés révoltaient, fit de louables efforts en faveur de l’humanité. Malheureusement il rencontrait une résistance très vive parmi les propriétaires protestans qui, effrayés du développement de l’insurrection et sachant la haine dont ils étaient l’objet de la part de leurs tenanciers catholiques, réclamaient une répression impitoyable. Il parvint cependant à faire triompher ses idées dans une certaine mesure. Lord Clare lui-même reconnut qu’il y avait quelque chose à faire pour apaiser les esprits. Castlereagh, devenu définitivement secrétaire du gouvernement irlandais par suite de la mort de Pelham, opina plus énergiquement dans le même sens. On promit la vie sauve aux insurgés qui se soumettraient dans le délai de quinze jours. On présenta ensuite aux chambres irlandaises un bill d’amnistie qui mettait à l’abri de poursuites ultérieures, non pas les chefs de l’insurrection, mais du moins ses soldats obscurs. La répression, au surplus, était déjà bien avancée. Le comté de Wexford avait été réoccupé tout entier par les troupes royales, non sans des luttes sanglantes. Ce malheureux pays n’offrait plus à la vue que champs dévastés, maisons saccagées, villes en ruines. Dans le Leinster, l’ordre se rétablissait peu à peu. Là aussi des cruautés injustifiables avaient été commises. Des hommes qui sympathisaient peut-être de cœur avec l’insurrection, mais qui ne s’y étaient point effectivement associés, avaient été exécutés sommairement.

Le gouvernement français, cependant, faisait des préparatifs pour venir au secours des insurgés. Il arriva trop tard et surtout il n’arriva qu’avec des forces insuffisantes. Le 22 août, trois frégates et quelques bâtimens de transport, portant un corps de débarquement de onze cents hommes seulement, vinrent atterrir à Killala, dans le comté de Mayo. Le général Lake se porta immédiatement vers la côte avec quelques bataillons de milice qu’il avait sous la main. Il rencontra à Castlebar le général Humbert, qui commandait les troupes françaises et qui le mit en déroute. Heureusement pour lui, lord Cornwallis, en personne, arrivait avec des troupes régulières. Cette fois Humbert fut accablé par des forces supérieures. Après avoir perdu deux ou trois cents hommes, il fut fait prisonnier à Ballynamuck avec le reste de sa petite troupe.