Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

américaines d’ailleurs n’avaient-elles pas accepté, sollicité le concours de la France sous Louis XVI ? Et les émigrés français, à leur tour, n’avaient-ils pas accepté, sollicité le concours des puissances coalisées contre la république ? Les idées du temps en cette matière, il faut bien le dire, étaient moins sévères que celle de notre époque. En 1794, les Irlandais Unis envoyèrent un agent secret à Paris pour s’entendre avec le gouvernement français. Ce personnage, nommé Jackson, avait été ministre anglican. À son retour du continent, il fut dénoncé par un de ses amis. On lui fît son procès. Il avala du poison avant de se rendre à l’audience, et il rendit le dernier soupir devant les juges et le public, ; au moment où l’on prononçait sa sentence de mort. Wolfe Tone, compromis dans cette affaire, parvint à s’échapper. Il passa en Amérique : et de là en France, ou il ourdit avec une infatigable activité de nouvelles trames contre le gouvernement anglais.

Jusqu’alors, les Irlandais-Unis avaient eu à leur tête des hommes de parole plutôt que des hommes d’action : des avocats, des journalistes, des orateurs. Dans la voie nouvelle où ils allaient entrer, il leur fallait des chefs militaires. Ils en trouvèrent un dans la personne de lord Édouard Fitzgerald, qui fût introduit à cette époque dans l’association.

Le nouvel affilié tenait à ce qu’il y avait de plus considérable en Angleterre et en Irlande. Par sa mère, fille du duc de Richmond, il descendait des Stuarts ; par son père, le feu duc de Leinster, il appartenait à cette branche de la grande famille des Géraldine, qui, après avoir quitté Florence au moyen âge pour venir s’établir en Irlande, changea son nom en celui de Fitzgerald. Après la mort du duc de Leinster, la duchesse se remaria à un Écossais nommé M. Ogilvie, et alla passer plusieurs années en France. C’est là que ses enfans, et notamment Édouard, son cinquième fils, firent connaissance avec la langue et les mœurs françaises. Comme beaucoup de cadets de nobles maisons, Édouard fut destiné à l’état militaire. À l’âge de dix-sept ans, on le pourvut d’une lieutenance, et il alla faire ses premières armes en Amérique contre ces républicains dont il devait plus tard embrasser les principes. Blessé dans une affaire, il fut soigné avec un dévoûment touchant par un pauvre nègre qu’il attacha depuis cette époque à sa personne et qu’il traita toujours moins comme un serviteur que comme un membre de sa famille. Il est à remarquer que, dans le cours de sa vie agitée, lord Édouard Fitzgerald inspira toujours la sympathie, ; souvent le dévoûment. Après Son rétablissement, il revint en Angleterre et fut reçu à bras ouverts par le monde aristocratique où xa naissance lui donnait droit de cité.