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dans cet appareil dont la magnificence ne faisait qu’entraver sa marche et n’ajoutait rien à sa force, pourquoi resterions-nous incrédules aux descriptions que nous ont transmises Hérodote et les historiens d’Alexandre ? L’armée anglaise de l’Inde est-elle moins encombrée de bagages et de valets ? N’a-t-on pas vu arriver en 1839 sous les murs de Caboul 80,000 rationnaires, parmi lesquels, au moment de l’action, on aurait eu peine à trouver plus de 7,000 hommes capables de figurer en ligne ? Et, en 1842, quand l’insurrection chassa les Anglais de cette ville si imprudemment occupée, combien comptait-on de soldats dans la colonne qui alla s’engouffrer au fond de défilés d’où elle ne devait pas sortir ? 3,140 en tout sur un effectif de 17,000 hommes. Le nombre de domestiques, hommes de peine, détaillans, que le devoir ou l’appât du gain attache à une armée en campagne dans les Indes est dix fois plus considérable, nous apprend M. de Valbezen, que celui des combattans. Le gouvernement anglais s’est appliqué de tout son pouvoir à réduire, depuis quelques années, cette proportion aussi dangereuse qu’incommode. Pourrait-on affirmer que ses efforts aient été couronnés de succès ? Ce sera toujours avec de petites armées et de gros convois qu’on fera la guerre en Asie. Comme l’a très justement fait observer Victor Jacquemont, « dans un pays traversé de déserts, le moindre corps de troupes, pour ne pas mourir de faim et souvent même de soif, doit traîner à sa suite un nombre immense d’animaux de bât et de charrettes. » Raison de plus pour n’y pas joindre les embarras d’une cour et d’un harem,


IV

Je ne sais trop à quel titre on a pris l’habitude de récuser constamment l’autorité de Quinte-Curce pour ne s’en fier qu’au témoignage d’Arrien. Quelques erreurs géographiques et un trop grand penchant à la déclamation ne suffisaient pas, suivant moi, pour infirmer aussi complètement un récit plein de vie, où nous retrouvons maints détails négligés bien à tort par le gouverneur de la Cappadoce. Diodore de Sicile, Justin, Plutarque, Arrien, Quinte-Curce, ont puisé aux mêmes sources. Tous ont mis à contribution les éphémérides, les mémoires de Ptolémée et d’AristobuIe, la chronique de Clitarque. Si l’Orient, dans sa pompe stérile, si l’invasion, dans sa pauvreté martiale, nous sont fidèlement rendus, ce n’est pas dans l’Anabase d’Arrien, ce serait plutôt dans le de Rebus gestis de Quinte-Curce. Je reconnais l’armée de Xerxès, telle que nous l’a décrite Hérodote, dans la masse incohérente que Darius, après l’avoir parquée par groupes de 10,000 hommes, épancha en