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brillante, avec les Athéniens, nous la rattacherons sans effort à la marine du moyen âge, à la marine du XVIe et du XVIIe siècle, j’ajouterai même, pour les procédés de tactique, à la marine de l’avenir : non pas que nous ne soyons, en fait de tactique, tout à fait de l’avis du vieux Cambyse et que nous ne tenions avec lui la science des évolutions pour « la moindre partie de la stratégie. » Néanmoins il n’est pas sans quelque intérêt de s’enquérir comment, aux temps passés, des réunions de 300, de 400 navires ont pu manœuvrer.

On a fait une observation bien juste, et cette observation, si je ne me trompe, appartient à M. Thiers : La première chose que l’on voit disparaître dans un état qui se désorganise, c’est la marine. La république athénienne nous en offre un frappant exemple. A l’heure où le sage Platon, désabusé, en était réduit, sur ses derniers jours, à demander aux dieux « un bon tyran, » Athènes ne trouvait plus déjà de rameurs pour ses flottes. « On lui a volé ses avirons. » Oui ! la mollesse, l’indifférence croissantes ont fait à la ville de Minerve cet irréparable tort. Les citoyens d’Athènes peuvent bien se résoudre encore à équiper des trières, ils ne savent plus se résigner à les monter. A la première alerte, Athènes nomme des triérarques. — Il est toujours facile d’imposer les riches ; — mais où trouvera-t-on des équipages ? Le peuple décrète l’embarquement des métèques et des affranchis. Aussi quels rameurs pitoyables on rencontre sur les vaisseaux de la république ! La Paralienne elle-même, ce yacht naguère si agile, cette galère sacrée qu’on appelait « la massue du peuple » ne marche pas mieux que la première trière venue. La piraterie a revu ses beaux jours ; elle infeste les mers. Les vaisseaux marchands sont impunément assaillis jusque sur les côtes du Péloponèse ; le blé de l’Hellespont n’arrive plus au Pirée. Quand le peuple commence à sentir la famine, il est mieux disposé à entendre les bons conseils. Les démarques reçoivent l’ordre de dresser et de publier dans chaque tribu la liste des citoyens tenus de faire campagne. Il faut que la flotte parte sans délai et aille rétablir la sécurité des mers, sinon le pauvre Démos va être obligé « de se nourrir des herbes les plus viles. » Fiez-vous donc pour le recrutement des rameurs à ces magistrats municipaux ! Voyez quels sont les hommes qu’ils osent présenter aux triérarques ! Il n’y a que les capitaines peu soucieux de leur honneur qui se contenteront de pareilles recrues. Ceux qui ont quelques fonds et quelque vergogne aimeront mieux engager leurs biens, s’endetter même que de prendre la mer dans des conditions qui les compromettent. Une haute paie, une bonne prime d’engagement, tel est le seul moyen de se procurer des équipages passables. Voilà nos volontaires embarqués : c’est fort bien, mais en vertu de quel