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tout d’abord poussée avec vigueur, il a demandé que la première année, on y consacrât sept heures par semaine.


II

Ainsi, dans le nouveau plan d’études, le latin et le grec reculent de deux classes[1]. C’est une innovation grave, dont il est naturel qu’on se soit beaucoup ému. On répond, il est vrai, à ceux qui s’en plaignent que, si désormais on apprend moins longtemps les langues et les littératures anciennes, on les étudiera mieux, qu’on donnera moins de temps à des exercices inutiles et qu’il en restera davantage pour les travaux sérieux, enfin qu’en marchant plus vite on rattrapera bientôt les années perdues. Ainsi les réformes qu’on va inaugurer sont présentées comme une sorte de compensation et d’équivalent qui feront regagner d’un côté ce qu’on aura sacrifié de l’autre. Nous voilà donc amenés à chercher de quelle nature sont ces réformes, en quoi elles consistent, et à voir si l’on en peut raisonnablement attendre tout ce qu’on se promet.

Ici encore il faut d’abord reconnaître que ce n’est pas tout à fait de gaîté de cœur, et pour le plaisir de changer ce qui existe, qu’on s’est jeté dans les innovations, ou, comme prétendent quelques personnes, dans les aventures. On disait depuis longtemps qu’il y avait quelque chose à faire et l’on trouvait que le profit qu’on tire de nos études n’était pas en rapport avec le temps qu’on y consacre. C’était l’opinion même de gens fort attachés aux anciens usages et qu’on ne peut pas accuser d’aimer beaucoup les révolutions. En 1831, M. Guizot écrivait à l’un de ses amis, à propos de son fils aîné, qui achevait ses classes : « François va faire sa philosophie et des mathématiques : c’est un nouveau monde ; il est dégoûté de l’ancien. Il a fallu toute sa douceur et sa confiance en moi pour que cette dernière année de grec et de latin ne lui fût pas nauséabonde. Évidemment il y a là quelque chose qui ne répond plus à l’état actuel, à la pente naturelle de la société et des esprits. Je ne sais pas bien quoi, je le cherche. » Et un peu plus loin : « L’enseignement est trop maigre et trop lent. Il y a trop loin de l’atmosphère intellectuelle du monde réel à celle du collège. Pour dire vrai, le collège et presque tout notre système d’instruction publique sont encore faits à l’image de notre ancienne société. Les rêveries du XVIIIe siècle, les sottises de la révolution en ce genre, nous ont dégoûtés, et justement, des essais nouveaux qui ont si mal réussi,

  1. D’après le plan d’études de 1874, l’étude du latin commençait en huitième et celle du grec en sixième.