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il y a longtemps chez nous qu’on pense et qu’on dit que l’Université a tort de trop retenir les élèves sur certaines études, qu’elle attache trop d’importance à des exercices qui ne sont pas fort utiles, et qu’elle en néglige d’autres dont on pourrait tirer plus de profit. Déjà Rollin et Fleury trouvaient beaucoup à reprendre dans la manière dont on enseignait les langues anciennes, et les réformes qu’ils demandaient sont précisément celles qu’on réclame surtout aujourd’hui. Ces réclamations ont pris plus de force depuis que les savans français, au lieu de vivre complaisamment renfermés chez eux et dans l’admiration de leurs méthodes et de leurs écoles, se sont avisés de jeter les yeux hors de leur pays. Ils ont trouvé chez les étrangers des façons d’enseigner qui leur donnent beaucoup à réfléchir, et il leur a semblé que la France, qui s’endormait dans l’opinion qu’elle était partout imitée et enviée, avait au contraire des leçons à recevoir des autres peuples. Les premiers qui eurent le courage de le dire ne furent pas très bien accueillis, et on leur reprocha durement de manquer de patriotisme ; mais, comme leurs idées étaient justes et que les événemens se chargèrent, beaucoup plus qu’ils n’auraient voulu, d’en prouver la vérité, elles firent leur chemin et sont aujourd’hui partagées par beaucoup de bons esprits. Il y a, dans l’Université, tout un parti jeune, ardent, décidé, qui demande qu’on s’écarte des anciennes routines et qu’on inaugure résolument des méthodes nouvelles.

Voilà les deux courans dont s’est formée cette opinion commune à laquelle on a voulu donner quelque satisfaction. Mais c’était précisément la difficulté. Ceux qui ne réclament que des réformes dans les méthodes, qui veulent par exemple qu’on explique davantage et qu’on fasse moins de devoirs écrits, sont en somme assez aisés à contenter. Ils ne demandent pas de modifications radicales et conservent ce qui a fait jusqu’ici le fond de l’enseignement classique. Les autres, au contraire, veulent tout changer. La lutte entre eux et les partisans des langues anciennes dure depuis longtemps, et elle a toujours tourné à leur avantage. A chaque programme nouveau, ils obtiennent qu’on augmente la part faite aux sciences, et qu’on diminue à leur profit celle du grec et du latin. On leur a toujours cédé sans parvenir à leur fermer la bouche. Les concessions qu’on leur fait, loin de les désarmer, les excitent à demander davantage, et il est clair qu’ils ne cesseront de réclamer que quand ils seront les maîtres absolus de l’enseignement. Aussi quelques bons esprits pensent-ils que, pour se mettre enfin à l’abri de ces exigences, il faudrait prendre une mesure définitive. Le seul moyen de tout accorder leur paraît être d’établir des écoles distinctes, les unes où domineraient les lettres, les autres réservées surtout aux