Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/963

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exploitation. Pour le moment, cette société a déjà groupé autour d’elle un bon tiers des meilleurs claims, et elle fixera en France un commerce qui se chiffre par 50 millions par an. L’extraction se fait maintenant de la manière suivante : la terre est retirée à l’aide de seaux dont le contenu, après avoir été trempé, est vidé sur une série de cribles superposés dont le plus fin est en dessous ; l’eau jetée sur le premier passe dans tous les autres, et c’est dans le dernier qu’on aperçoit le diamant. Après ce premier lavage, la terre est versée dans de grands réceptacles remplis d’eau, et on l’agite jusqu’à ce que le diamant se trouve complètement dégagé.

Lorsqu’on songe au prix si élevé de ces menus fragmens de matière vile que les forces naturelles ont jadis façonnés en diamans, en rubis, en saphirs ou en émeraudes, on ne peut s’empêcher de se demander ce qui arrivera le jour où la chimie, qui a déjà accompli tant de merveilles, surprendra le secret de leur formation et créera de toutes pièces des pierres, aussi belles, aussi parfaites que celles que la terre recèle encore dans son sein. C’est que ces gemmes qui nous semblent toutes formées de lumière ne sont pas d’une autre pâte que les cailloux du chemin. Le diamant, c’est un peu de charbon ; les autres pierres précieuses sont essentiellement composées d’alumine et de silice. Il ne s’agit que de faire cristalliser ces matières dans des conditions dont on commence à soupçonner la nature. Et les tentatives, du reste, n’ont pas manqué : quelques-unes ont été couronnées d’un succès qui fait prévoir, dans un avenir prochain, des succès plus importans, De tous ces essais de reproduction, ceux qui avaient, pour objet le diamant ont, été jusqu’ici les moins heureux.

On sait que le physicien Despretz avait eu l’idée assurément fort ingénieuse d’entretenir pendant un mois, dans l’air raréfié, la lumière d’un arc voltaïque jaillissant entre un pôle de charbon et un pôle de platine, qui se couvrait peu à peu d’une couche noirâtre formée de parcelles de carbone. C’est dans cet enduit qu’on a trouvé des cristaux microscopiques qui paraissaient offrir les caractères physiques du diamant. Les résultats ont été plus palpables et moins problématiques pour les pierres de couleur. Dès 1837, M. Gaudin, en exposant à la flamme du chalumeau à gaz oxyhydrogène de l’alun d’ammoniaque, avait obtenu de l’alumine fondue aussi dure que le corindon. En ajoutant une matière colorante telle que le chromate d’ammoniaque, on obtient quelque chose qui ressemble au rubis. Il faut mentionner ensuite les ingénieuses tentatives d’Ebelmen, qui, en recourant à l’emploi de l’acide borique, put obtenir de petits cristaux de rubis spinelle ayant déjà de 2 à 3 millimètres de hauteur. M. de Sénarmont, et plus récemment M. Daubrée, MM. Henri Sainte-Claire Deville et Caron, MM. Fremy et Feil, ont eu recours à d’autres procédés et sont arrivés à des résultats de plus en plus satisfaisans. Dans les expériences de