ces sophistes, qui sont à la fois des philosophes, des magiciens et des prophètes, toutes les imaginations malades, avides d’inconnu, éprises de divin, comme il s’en trouve tant dans les grandes crises religieuses. Ceux qui s’y pressent ne sont pas des disciples ordinaires, qui viennent écouter avec recueillement les leçons d’un maître ; ce sont des dévots, des fanatiques dont il faut satisfaire à tout prix les ardeurs emportées. Eunape raconte qu’un de ces sages s’étant un jour enfui dans une solitude, « ses élèves le suivirent à la piste et, hurlant comme des chiens devant sa porte, ils le menacèrent de le déchirer s’il persistait à garder sa science pour les montagnes, les arbres et les rochers. »
Julien a fréquenté successivement ces deux classes de sophistes. Ce furent les rhéteurs qui l’attirèrent d’abord. Quand on l’envoya étudier à Nicomédie, on lui fit promettre de ne pas suivre les cours de Libanius, dont l’enseignement semblait dangereux pour un chrétien. C’était précisément celui qu’il souhaitait le plus entendre, et il est probable que la défense qu’on lui faisait rendait encore son désir plus vif. Il tint pourtant sa promesse, mais s’il n’assistait pas de sa personne aux leçons du célèbre rhéteur, il envoyait des gens pour les recueillir et les lisait avec passion, quand il était seul. Aussi Libanius se regardait-il comme un des maîtres de Julien, et il pouvait se rendre ce témoignage qu’il lui avait enseigné bien autre chose que l’art de parler : on ne peut guère douter que ses discours tout pleins de paganisme n’aient souvent réveillé, dans cette âme pieuse et ouverte aux impressions du passé, le souvenir et le regret de l’ancien culte. Libanius avait donc raison de lui dire plus tard : « C’est la rhétorique qui vous a ramené au respect des dieux. » Mais la rhétorique ne pouvait pas longtemps lui suffire. Après avoir fréquenté les rhéteurs, il souhaita connaître les philosophes « et s’enivrer auprès d’eux à satiété de toute sagesse et de toute science. » Eunape raconte qu’il s’adressa d’abord au vieil Ædésius, le chef de l’école. Mais Ædésius, que l’âge rendait prudent, craignit de se compromettre en lui révélant des connaissances suspectes et le renvoya à ses disciples. Julien, que tous ces retards ne faisaient qu’enflammer davantage, alla chercher jusqu’à Éphèse le plus célèbre d’entre eux, Maxime, et se mit sous sa direction. C’est de lui qu’il apprit toute la doctrine secrète des néo-platoniciens, l’art de connaître l’avenir et de se rapprocher des dieux par la prière et l’extase. Quand Maxime le vit sous le charme, pour achever de le conquérir, il adressa « l’enfant chéri de la philosophie, » comme on l’appelait, à l’hiérophante d’Eleusis, qui l’initia à ses mystères. — Ce fut comme le baptême de nouveau converti.
Voilà ce que nous savons de la manière dont s’est accomplie la