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diplomatiques dans des contrées alors presque inconnues aux Anglais. Il s’exposait sûrement au blâme de son gouvernement s’il échouait dans une tentative aussi hardie ; mais, avec l’esprit d’initiative qui ne lui fit jamais défaut, et trouvant des hommes capables de le seconder, le gouverneur général ne se laissa pas arrêter par la simple prudence et n’hésita pas à accepter la responsabilité de ses actes en remettant aux deux ambassadeurs les instructions qui devaient servir de règle à leur conduite.

Metcalfe le premier quitta Delhi le 12 août 1808, à l’époque où la mousson souffle dans les Indes, alors que les grandes pluies détrempent le terrain en y formant de toutes parts des marécages et des fondrières. Ce fut après un voyage des plus pénibles et dans l’état de délabrement le plus complet que le jeune envoyé anglais se présenta avec sa suite au camp de Runjeet-Singh, établi sur les bords du Sutledje. Cette suite même était peu nombreuse, afin de ne pas éveiller la défiance du maharajah. Sachant toutefois qu’il fallait le prendre de haut avec les despotes indiens pour leur inspirer le respect, Charles Metcalfe reçut d’une manière assez dédaigneuse le premier ministre et l’escorte de deux mille hommes que Runjeet-Singh avait envoyée au-devant de lui, faisant ainsi comprendre que l’ambassadeur de la Grande-Bretagne s’attendait à la venue du souverain indien lui-même.

Dès sa première audience, Metcalfe put entrevoir les difficultés de sa mission. Le despote mit pour condition préalable à tout engagement de sa part que l’Angleterre l’aiderait dans ses entreprises contre les Sikhs indépendans, et comme l’ambassadeur ne paraissait pas disposé à répondre favorablement à cette ouverture, il fit aussitôt lever le camp à ses troupes et traversa la rivière pour aller attaquer les territoires qu’il convoitait. Alors commença pour le jeune envoyé, obligé de le suivre, une série de marches, de contre-marches, de mouvemens stratégiques dirigés contre des peuples placés, en vertu d’anciens traités, sous la protection du gouvernement britannique. N’était-ce point débuter par un déplorable aveu de son impuissance ? A force d’adresse et de persévérance, Metcalfe avait toutefois obtenu du rajah la promesse de s’opposer à la marche de l’invasion française lorsque lui parvint la nouvelle que l’empereur Napoléon renonçait définitivement à envahir les Indes. Prenant alors sa revanche, l’ambassadeur commença à poser à son tour ses conditions à Runjeet-Singh, lui déclarant, de la part de son gouvernement, qu’il eût désormais à se renfermer dans le royaume de Lahore sans attaquer des états alliés de l’Angleterre et ajoutant que, pour rendre la protection plus efficace, un poste militaire allait être placé sur les frontières du Penjab. Bien qu’au fond il désirât depuis longtemps faire alliance avec le gouvernement