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médecin, un avocat, etc. reçoive une rémunération. On se plaint de l’expression de louage, loyer, location, comme trop peu relevée ou trop matérielle ; l’auteur du Droit industriel propose le mot de contrat de prestation, et il donne à cette idée de larges et beaux développemens.


III

Tels furent les remarquables travaux qui remplirent la carrière de M. Charles Renouard depuis 1848 jusqu’à la chute du second empire. En 1869, la loi sur la limite d’âge l’avait enlevé à la cour de cassation, mais il ne devait pas rester longtemps en dehors des affaires publiques. En mai 1871, il fut nommé, par M. Thiers et par M. Dufaure, procureur général à la cour de cassation, et il occupa cette haute fonction pendant six ans. Les discours de rentrée qu’il prononça formeront une date dans ce genre d’éloquence grave et forte dont le passé nous avait laissé des modèles mémorables. Nous dirons tout à l’heure un mot de ces discours. Signalons, avant d’y arriver, les derniers traits qui marquent cette existence approchant de son terme. Bien qu’il fût resté fidèle aux principes de la monarchie constitutionnelle et dévoué personnellement aux princes de la famille d’Orléans, M. Renouard suivit le parti de M. Thiers et se rallia, par les raisons les plus désintéressées et les plus patriotiques, au gouvernement de la république. D’ailleurs ni sa nomination comme sénateur inamovible au mois de mai 1876, ni l’année suivante, lors du ministère du 16 mai, sa démission de procureur général, ne sauraient faire de lui un homme de parti ; il n’en avait ni les ambitions, ni les passions exclusives ; sa constance dans les idées libérales se rattachait elle-même avant tout à ces hautes maximes de morale auxquelles il les croyait indissolublement unies. « Une nation, disait-il, doit rester maîtresse de ses destinées et se diriger elle-même. Que l’organisation constitutionnelle soit attachée à une monarchie ou à une république, la question est secondaire. Ce qui importe, c’est que la nation ne s’abandonne jamais et qu’elle ne délègue ses droits à aucune dictature, qu’il s’agisse d’un empereur, d’un roi ou d’une convention ; car la dictature, c’est l’anéantissement moral d’une nation, et plus tard, à un moment plus ou moins rapproché, la ruine. » En politique comme dans tout le reste, il croyait que les principes se limitent et se complètent les uns par les autres, et qu’aucun ne doit jamais être poussé jusqu’à ses dernières conséquences logiques. Pour cet esprit ferme et résolu, mais judicieux et conciliant, les idées