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détaillée du droit industriel, à la place de ce qu’il y avait d’arbitraire et de contradictoire dans cette sorte de lois, faites au jour le jour, selon le flux et le reflux des partis et des événemens, et où les différentes époques de la révolution, de l’empire et de la restauration ont mis tour à tour leur empreinte. On y trouve concurremment l’esprit libéral, ouvrant heureusement l’essor aux activités individuelles trop comprimées, mais tenant en suspicion injuste les plus légitimes tendances à l’association, et l’esprit ultra-réglementaire qui survivait comme un débris des anciennes corporations d’arts et métiers. Dans telle disposition, on sentait la réaction aristocratique ; dans telle autre, l’effort de la haute bourgeoisie pour s’assurer certains privilèges dans le domaine de la production industrielle. Les solutions appliquées à chaque ordre de matières et à chaque fait en particulier par l’auteur du Droit industriel attestent sa préoccupation constante de discerner partout ce qui revient à la liberté personnelle et à l’action sociale, en conciliant le respect profond de l’une avec les garanties indispensables à l’ordre que l’autre exige. Il faudrait nous-même entrer dans des détails qui tiendraient ici beaucoup trop de place pour montrer avec quelle sûreté et quelle précision, s’adaptant aux nécessités de la pratique, il sait tirer parti de ces principes de personnalité, de sociabilité, et des autres données qu’il emprunte à la philosophie et à l’économie politique. Nulle meilleure réponse aux esprits superficiels qui seraient tentés au premier abord de ne voir dans ces généralités que de vaines abstractions.

M. Renouard n’a laissé que le premier volume de cette œuvre, qui devait en comprendre deux, mais ce volume est de beaucoup le plus important. Il renferme toutes les idées fondamentales et les théories les plus essentielles. Nous avons d’ailleurs de lui quelques Mémoires qui nous permettent de juger ce qu’aurait été cette dernière partie d’un livre consacré à sceller l’alliance définitive de l’économie politique et du droit.

J’en signalerai un seul, très approfondi, sur le Contrat de prestation de travail, qui par ses vues quelquefois piquantes, le mot ne me paraît pas déplacé ici, peut intéresser tous les lecteurs. M. Ch. Renouard signale à ce sujet des lacunes graves dans le code civil, et même des inexactitudes dans les définitions, dans les divisions aussi, qui ont, sur la législation pratique, des conséquences parfois tout à fait fâcheuses. L’auteur de ces critiques est loin de se poser en détracteur du code. Il en apprécie l’esprit général, il rend justice aux hommes éminens qui l’ont conçu et rédigé ; mais, plus il se montre sincèrement respectueux, plus ses observations acquièrent de force et d’autorité. Si les contrats relatifs au travail