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avait-il poussé l’étude et dans quelle mesure y marquait-il les traits caractéristiques ? Pour nous placer à un point de vue plus particulier, en quoi différaient-elles chez lui de celles qui, peut-être auparavant, avaient été tracées par le poète mégarien Mæson, inventeur d’un personnage de cuisinier bouffon auquel son nom était resté ? Ce Mæson, aujourd’hui si inconnu, avait eu sa célébrité. Non-seulement il avait été l’objet de la faveur des Pisistratides, mais des sentences de lui, gravées sur les Hermès, étaient sues par cœur de tous les Athéniens. Il avait donc sur le théâtre d’Athènes, comme Épicharme sur celui de Syracuse, développé dans son sens originel la partie non politique de la comédie mégarienne. Ces diverses questions ne peuvent que s’indiquer sans se résoudre. Cependant le langage des critiques anciens et la marche générale de l’art nous induisent à penser que les types ne prirent toute leur valeur que dans la comédie nouvelle, plus riche en développemens et plus maîtresse de ses ressources. Il y a aussi une remarque à faire, c’est que même les pièces mythologiques d’Épicharme, où l’observation morale n’avait point à créer de types humains, appelaient des procédés d’art analogues. Le vorace Hercule, l’artificieux Ulysse, n’étaient-ce pas aussi des types, dont les traits, fixés par la tradition, s’offraient d’eux-mêmes au poète et aux spectateurs avant tout développement dramatique ? Ce qui nous avertit encore qu’il y avait entre les deux genres de comédie plus de rapport que ne semblerait l’indiquer la différence des sujets, et que c’étaient bien des œuvres de la même main.

Pour l’antiquité, si fidèle dans sa vénération reconnaissante pour les poètes qu’elle considérait comme ses instituteurs moraux, la part la plus considérable de l’héritage d’Épicharme consistait peut-être dans le grand nombre des maximes qu’elle avait extraites de ses ouvrages. Elles s’étaient d’abord imprimées d’elles-mêmes dans la mémoire ; puis on en avait formé des recueils, qui s’étaient répandus et conservés pendant de longs siècles. Jamblique disait des sages de son temps : « Ceux qui veulent débiter des maximes de sagesse pratique ont à la bouche les pensées d’Épicharme ; presque tous les philosophes les possèdent. » Il y eut même un faussaire qui, d’assez bonne heure, mit sous ce nom autorisé des recueils de sentences de sa façon : un certain Axiopistos, au témoignage de Philochorus, avait ainsi attribué au poète sicilien des Maximes et un Canon ou règle de vie. Voilà comment Épicharme prit place, à côté de Phocylide et de Théognis, parmi les gnomiques ou poètes moralistes sentencieux. C’était, d’après les vers inscrits par Théocrite sur sa statue de bronze à Syracuse, son principal titre à la reconnaissance de ses concitoyens : il avait « dit beaucoup de choses utiles à tous pour la vie, » et « laissé un trésor de préceptes. »