Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conserver des collèges dans leur patrie. Les assauts à nos administrations ne sont meurtriers que pour d’honnêtes et pacifiques fonctionnaires. Seulement, voit-il où il va avec cette politique de transactions, de concessions, de diversions, de petits moyens de conservation personnelle ? Ne comprend-il pas que les difficultés grandissent avec les obstacles qu’elle lui suscite ? Cette question, par exemple, des congrégations, qui semblait peu de chose au début, vient de prendre des proportions qui ne laissent pas d’inquiéter les amis de la paix publique aussi bien que les amis de la liberté. On croyait n’avoir affaire qu’à quelques ordres réguliers. On se met sur les bras tout le clergé et tout un peuple qui le suit. On pensait que cet article 7, glissé adroitement dans un projet de loi où il n’avait pas sa place, passerait sans difficulté au sénat comme à la chambre des députés. L’article a été repoussé par le sénat ; et pour ne pas rester sous le coup d’un échec, on provoque, par des mesures violentes, un conflit que le sénat a eu, il est vrai, la sagesse d’écarter, en s’en tenant à la leçon de liberté et de justice qu’il vient de donner au gouvernement. Et comme on s’aperçoit en fin de compte qu’on a fait beaucoup de bruit pour rien ou à peu près, on en est à chercher une mesure vraiment efficace contre les collèges du clergé. Ne médite-t-on pas en ce moment l’expédient inique et odieux de la fréquentation obligatoire des lycées ou collèges de l’état, au moins quant aux dernières classes, pour tous les candidats aux administrations publiques ? Mais alors comment s’y prendra-t-on pour n’appliquer ce règlement qu’aux maisons du clergé ? On est donc conduit par la politique des expédiens à la suppression totale de la liberté d’enseignement. On ne voit pas non plus qu’en épurant, ainsi qu’on le fait, toutes nos administrations, sans règle ni mesure, pour satisfaire des rancunes ou des ambitions, on arrive fatalement à une désorganisation dont le pays se ressentira et s’apercevra tôt ou tard. On n’a pas vu que cet expédient de l’amnistie partielle ne pouvait suffire au parti dont on aura de plus en plus besoin, et qu’il fallait en venir à cette amnistie plénière qu’on avait eu jusqu’ici la fortune d’ajourner. Alors, quand. le pays ne se sentira plus ni gouverné ni administré, mais exploité, quand il entendra nos jacobins radicaux réclamer les dépouilles mêmes de l’ennemi qui porte soutane, quand il verra reparaître, par l’amnistie plénière, dans ses comices, et peut-être dans ses assemblées, les noms les plus tristement célèbres de la commune, il s’irritera et s’effraiera tout à la fois de cette politique qui sème partout le désordre et la division : il finira par y mettre ordre.

Comment ? Voilà ce qui devrait faire réfléchir tous les