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manifeste ? A quoi bon un sénat qui résiste ou peut résister aux volontés du peuple souverain signifiées par la chambre qui est la seule expression directe, vraie par conséquent, du suffrage universel ? A. quoi bon un président qui peut la dissoudre avec le consentement du sénat ? A quoi bon diviser l’autorité déléguée par le souverain ? La partager entre plusieurs pouvoirs, n’est-ce pas l’affaiblir, l’user en perpétuelles contradictions qui finissent par des conflits ? Il n’est que temps de supprimer cette cause de faiblesse, d’irrésolution, d’anarchie dans le gouvernement du peuple, et de lui rendre la prompte, ferme et vigoureuse initiative qui est nécessaire pour accomplir les volontés du souverain. A quand donc la révision démocratique de cette malencontreuse constitution ? A quand la convention ?

Tout cela n’est que la partie politique du programme des jacobins radicaux. Ils ont aussi sur les questions sociales des solutions auxquelles la prudence des jacobins opportunistes n’est point préparée. Ceux-ci admettent que les questions sociales ont leur place dans la politique générale du parti républicain ; ils ne connaissent point ce qu’une certaine école appelle la question sociale. Ce n’est pas l’opinion des jacobins radicaux qui ont à leur tête M. Louis Blanc, et qui entendent résoudre toutes les questions sociales de la même façon, en vertu d’un principe qui les domine toutes. Sans entrer dans l’énumération des questions, ni dans l’examen des solutions dont se compose cette partie du programme du jacobinisme radical, il suffit de dire que cette école de jacobins a beaucoup plus de goût que l’autre pour ce qu’on nomme le socialisme. Quoi qu’il en soit, il est clair qu’avec le temps et les embarras croissans du gouvernement actuel, ces différences s’accentueront de plus en plus et finiront par éclater en récriminations et en luttes dont la presse ultra-radicale nous fait déjà entrevoir la vivacité.

La victoire restera-t-elle aux jacobins radicaux ? Touchent-ils au pouvoir ? On pourrait le croire, si la logique était tout dans le gouvernement des choses humaines. Il est certain qu’elle est pour eux. Les jacobins opportunistes qui tiennent le pouvoir ont ouvert la voie, par les tristes expédiens de leur politique, aux mesures et aux solutions révolutionnaires que réclament les jacobins radicaux. Quand le moment de résister viendra, leur tâche sera difficile, d’autant plus lourde que tous les partis conservateurs qu’ils ont accablés d’injures et d’outrages, les laisseront, non sans quelque satisfaction peut-être, se débattre sous l’étreinte des intransigeans. Nous ne croyons point à l’avenir prochain de leurs violens amis. Si l’avènement au pouvoir des jacobins radicaux devenait imminent, la révolution apparaîtrait aux masses qui n’y sont point encore préparées, et aussitôt s’y produirait une réaction qui