Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/672

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remontrances furent présentées au roi par l’archevêque de Reims, qui les avait rédigées de concert avec l’archevêque de Narbonne. La compagnie se flattait d’obtenir du monarque l’assurance qu’il mettrait un terme aux entreprises qui inquiétaient le clergé. C’était toujours le même argument que l’on faisait valoir dans ces remontrances, à savoir que les biens de l’église, étant destinés à l’entretien du culte et à la subsistance de ses ministres, à la nourriture des pauvres et aux œuvres pies, ne doivent pas être soumis à un impôt obligatoire. Les mesures qu’annonçait le gouvernement y étaient repoussées comme violant un droit que le clergé soutenait lui avoir été concédé d’une manière irrévocable. L’archevêque de Reims se plaignit, en des termes qui rappelaient les doléances du XVIe siècle, de la fréquence croissante des demandes d’argent. Il reprochait au gouvernement d’avoir poussé le clergé dans la voie des anticipations de secours par emprunts à intérêts pour une longue suite d’années. Il en était résulté qu’on avait redoublé les anticipations, allongé les progressions et augmenté ainsi les charges du clergé. Il s’éleva surtout contre l’inscription des revenus ecclésiastiques au rôle des vingtièmes ; ce qui allait droit contre la liberté dont jouissait le corps ecclésiastique de se taxer lui-même, de dresser dans ses chambres les rôles de taxation et d’opérer par ses propres officiers le recouvrement des deniers consentis. Toutes ces plaintes n’offraient en réalité rien de nouveau et n’étaient que la répétition de celles que faisait entendre la représentation ecclésiastique chaque fois que le gouvernement paraissait vouloir trop plonger la main dans sa bourse ; il s’y associa cette fois des observations qui montraient la nécessité que sentait la compagnie de céder quelque peu à l’opinion publique. Tout en déclarant que c’était le droit de l’église de s’imposer librement, l’archevêque n’en faisait plus pour elle un privilège. « Les autres citoyens, disait-il, après avoir rempli leurs charges fixes et les services de leur condition personnelle, n’étaient jadis soumis aux impôts extraordinaires que de leur libre consentement… Telle est encore la possession des pays d’état ; non-seulement la noblesse, mais les membres du tiers état ne peuvent être assujettis au paiement des impositions si elles n’ont été librement consenties par leurs représentans, qui seuls accordent, abonnent et répartissent les impositions, sans l’intervention d’aucune main étrangère à leur administration. » La commission nommée pour examiner la demande des 8 millions avait été d’avis qu’une telle subvention dépassait les forces du clergé, le maximum des sacrifices qu’il pouvait s’imposer, attendu qu’elle représentait l’augmentation d’un dixième de tout ce qu’il payait, et la résolution de l’assemblée avait été conforme à cette opinion qui