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évêque d’Evreux. La province de Paris avait évité d’élire pour l’un de ses représentans son métropolitain, Christophe de Beaumont, dont le choix eût déplu au roi, qui trouvait ce prélat trop compromis pour être utilement consulté sur les matières qu’il s’agissait de régler[1]. L’un des agens généraux qui prit part à ce titre aux débats était le futur cardinal de La Luzerne, dont la prudence et le savoir jouissaient d’une juste estime, et qui, comme nombre de prélats de la même assemblée, tout en défendant l’autorité du saint-siège, n’en demeurait pas moins inébranlablement attaché aux libertés de l’église gallicane. L’assemblée nomma pour promoteur l’abbé de Broglie, qui devait être bientôt appelé à l’évêché de Noyon. Tous les membres de la compagnie étaient arrivés préoccupés des périls qui menaçaient la religion et L’église, et résolus à défendre aussi bien l’une contre les magistrats que l’autre contre les philosophes. Assurément leurs craintes n’étaient pas chimériques. Le corps sacerdotal avait le malheur de rester de plus en plus en arrière de la marche des idées ; les écrits des novateurs redoublaient d’audace ; ils rencontraient dans le public une faveur qui se détournait peu à peu des controverses théologiques auxquelles il avait pris naguère tant d’intérêt.

L’Encyclopédie avait commencé sa campagne contre la foi traditionnelle, et l’arrêt du conseil du 7 février 1752, qui en supprimait le premier volume, n’avait fait qu’en augmenter la popularité. Depuis 1755, les doléances du clergé signalaient incessamment au roi le péril et réclamaient contre les mauvais livres des sévérités jugées plus nécessaires encore que celles qu’elles appelaient sur les réfractaires à la bulle Unigenitus. Le langage tenu par la représentation ecclésiastique en 1755, en 1760, en 1762, ne diffère guère de celui qu’elle fit entendre à l’ouverture de la session, en mai 1675. Après s’être élevée avec force contre la conduite des parlemens à l’égard des prêtres qui se soumettaient dans l’administration des sacremens aux ordres de leurs supérieurs, l’archevêque de Reims, La Roche-Aymon, s’écriait, en s’adressant à Louis XV : « Un autre mal, sire, fait le juste sujet de notre douleur et de nos alarmes. L’église, ouvertement attaquée dans sa juridiction et dans ses décisions, la puissance ecclésiastique

  1. Louis XV engagea confidentiellement l’archevêque de Paris à ne pas user du droit qu’il avait comme métropolitain de prendre part aux délibérations de l’assemblée. Le prélat s’abstint en conséquence d’y paraître. L’assemblée en exprima son regret et sollicita Louis XV d’autoriser Christophe de Beaumont à siéger dans ses rangs. Le roi fit quelques objections en se défendant d’avoir donné un ordre à l’archevêque. Il céda à la fin, et le prélat parut aux séances quelques jours avant la clôture ; il y reçut de nombreux témoignages de sympathie.