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clergé avait bien vu dès la promulgation de l’édit du vingtième que c’était à lui qu’on en voulait ; aussi une émotion des plus vives se produisit-elle dans ses rangs. Plusieurs évêques poussèrent un cri d’alarme ; car le nouvel impôt allait être rendu exécutoire. Il devait être perçu à partir du 1er janvier 1750 et était déclaré dû par tous les sujets habitans du royaume sans exception aucune.

Le contrôleur général ne s’arrêta pas à ces symptômes de résistance, et trois mois après l’édit du vingtième, le 25 août 1749, paraissait précisément l’édit des amortissemens qui mettait enfin à exécution les mesures préparées depuis plusieurs années. L’assemblée générale qui se réunit en juin 1750 fournit au clergé un moyen légal et plus efficace que les réclamations individuelles des évêques de paralyser le projet du gouvernement. L’impôt du vingtième et l’édit des amortissemens venaient de dissiper les espérances qu’avait fait concevoir à l’ordre ecclésiastique l’attitude prise par Louis XV au commencement de son règne. Il n’était que trop évident qu’on s’apprêtait à dépouiller l’église du privilège de fixer elle-même le taux de sa contribution. « On affecte, disaient les députés, de confondre les biens ecclésiastiques avec les biens laïques, on veut faire entendre que nos biens sont également engagés aux dettes et aux charges de l’état et qu’ils ne sont que plus particulièrement hypothéqués aux dettes du clergé, ce qui est entièrement contraire à la nature et à la destination des biens ecclésiastiques. » Les députés alléguaient que le département réclamé par le gouvernement au nom de la justice, qui exigeait une plus équitable répartition de charges entre les bénéficiers, n’était qu’un prétexte pour prendre une connaissance exacte des biens de l’église, afin de les pouvoir taxer davantage.

Les remontrances que fit à ce sujet au roi le cardinal de La Rochefoucauld, président de la compagnie, furent un habile et vigoureux plaidoyer en faveur du droit de l’église. Il se reportait aux anciennes concessions royales et aux canons des conciles. Mais sous les paroles quelque peu hautaines du prélat ne perçaient que trop les appréhensions auxquelles le clergé était en proie sur la solidité de ses immunités. Il lui fallait bien reconnaître que les principes du droit public s’étaient fort modifiés depuis le moyen âge, que l’opinion de la grande majorité des laïques se prononçait contre la prétention du corps sacerdotal d’être placé au-dessus de la nation. Heureusement pour le clergé, si Louis XV avait de son siècle la corruption des mœurs, il n’en partageait pas les idées de progrès ; il demeurait dans les sentimens que son éducation première lui avait inculqués envers l’église. Il fut donc touché des paroles du cardinal et protesta contre toute pensée de porter atteinte aux privilèges ecclésiastiques. Mais l’assemblée ne pouvait trouver dans ces assurances