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résolue à ne pas se séparer du saint-siège, ne pouvait que condamner ces dissidens ; mais ses décrets demeuraient sans force sur des consciences habiles à les éluder, sur des magistrats que les habitudes de la chicane avaient préparés aux subtilités théologiques à l’aide desquelles on prétendait rester catholique, tout en repoussant les jugemens du saint-siège rendus d’accord avec l’épiscopat. L’assemblée du clergé était donc obligée de confesser son impuissance, et elle fit ce qu’avait fait tant de fois l’église quand elle ne réussissait pas à convaincre les intelligences : elle en appela à l’intervention de l’autorité séculière. Comptant sur la dévotion du roi, l’assemblée de 1726 sollicita son secours contre ceux qui désobéissaient ouvertement aux décrets du saint-siège, et notamment à cette bulle Unigenitus que l’église gallicane avait déclarée de la manière la plus uniforme un jugement dogmatique et irréformable de l’église universelle, exigeant une soumission sincère de l’esprit et du cœur. Cet appel fait au bras séculier ne pouvait que trouver des échos dans l’entourage de Louis XV, indisposé de la conduite de quelques prélats soupçonnés de jansénisme, notamment des Remontrances au roi de l’évêque de Montpellier, Colbert de Croissy. Les arrêts du conseil d’état contre les écrits de celui-ci avaient d’ailleurs devancé les vœux de la compagnie. Sans atteindre au degré de rigueur que le clergé orthodoxe aurait peut-être souhaité, les poursuites contre les ecclésiastiques qui se compromettaient par une opposition trop franche se continuèrent jusqu’à la fin du ministère Fleury ; mais elles étaient souvent entravées par les tribunaux laïques, où les jansénistes, les adversaires de la constitution de Clément XI, rencontraient de nombreux et de zélés auxiliaires ; de sorte que, en dépit des réclamations de l’assemblée de 1726, l’église gallicane continua d’être agitée par des querelles qui, sans monter tout à fait à la surface ou plutôt à la cime de l’église, n’en étaient ni moins vives, ni moins périlleuses. En présence d’un danger permanent et qui ne faisait que s’accroître, chaque nouvelle assemblée ne manquait pas, en accordant des subsides, de réclamer l’exécution des ordonnances rendues contre ceux qui ne se conformaient pas à la constitution pontificale, La répression du jansénisme, et bientôt celle des livres où l’orthodoxie était plus sérieusement compromise que dans les écrits des disciples du P. Quesnel, devinrent la condition principale que le clergé mit à ses dons gratuits. Il ne regardait pas à accorder d’assez larges sommes, pourvu qu’on assurât à son autorité spirituelle une soumission que le pouvoir séculier avait seul, à ce qu’il croyait, le moyen de rendre efficace. C’est ainsi que l’assemblée de 1734 accorda presque sans discussion 12 millions de don gratuit, celle de 1736, 10 millions. Le gouvernement comptait si bien sur la