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réserver son indépendance. L’assentiment même que donnaient les députés aux sentences du saint-siège était un moyen de faire voir que le rôle des évêques ne se réduisait pas à une docile obéissance et que leur opinion devait être aussi comptée ; Louis XIV approuvait une telle façon de procéder. Lors de la condamnation du livre des Maximes des saints, le monarque ne voulut pas laisser enregistrer la constitution en forme de bref qui portait cette condamnation sans avoir consulté. Le clergé de son royaume. Il fit convoquer les assemblées provinciales par les métropolitains, et ce fut seulement après, qu’elles eurent adhéré à la décision pontificale qu’il consentit à l’enregistrement du bref. L’archevêque de Cambrai s’étant soumis au jugement du pape, on eût pu en rester là ; mais l’assemblée de 1700 tint à donner publiquement un gage de l’accord où elle était pour l’appréciation du livre avec le saint-père. Une assemblée antérieure, celle de 1655, avait déjà agi de la sorte à l’égard des cinq fameuses propositions, et de même que celle-ci avait publié une relation du débat soulevé par le livre de Jansénius, l’assemblée de 1700 décida qu’elle publierait une relation complète, de ce qui s’était passé au sujet du livre de Fénelon. Seulement, en faisant sa déclaration, l’assemblée ajoutait que c’était par une sorte de jugement et non par un acte de pure obéissance qu’elle donnait son adhésion à la décision du pape, dépositaire de la tradition. L’assemblée estima toutefois trop hardi le langage que l’archevêque de Reims tint dans sa harangue, et elle préféra charger Bossuet, d’un gallicanisme moins avancé, de rédiger la relation. Il n’y eut pas au reste que ce motif, qui fit écarter Le Tellier. Saint-Simon nous apprend qu’il s’était aliéné les sympathies de ses collègues par ses brusqueries et son caractère hautain ; aussi dut-il se démettre bientôt de la présidence en faveur du cardinal de Noailles, « qui gouverna sans peine cette assemblée et y acquit beaucoup de réputation. » Le courant poussait alors du côté de Rome, et le roi s’éloignait peu à peu des idées dont il était si plein en 1682. Le cardinal de Noailles, avec sa piété et son onction, paraissait l’homme qu’il fallait pour la nouvelle politique qu’on voulait adopter, à l’égard du saint-siège. Il présida, tout le reste de la session. « M. de Reims, poursuit Saint-Simon, n’y fut plus rien que de sa présence en second. » Mais le cardinal de Noailles n’en demeurait pas moins fidèle aux principes de l’indépendance de l’épiscopat à l’égard, de Rome, comme il apparut clairement quand, dans les assemblées subséquentes, fut agitée la question du quiétisme. La division, que la déclaration de 1682 avait quelque peu apportée dans l’église s’accusa davantage, lorsque fut mise sur le tapis cette grande querelle du quiétisme, source intarissable de controverses obstinées. La bulle Unigenitus, que le roi avait sollicitée du pape