Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/601

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

première jeunesse, un des principaux agrémens de Germaine Necker. Elle commença de bonne heure à exercer autour d’elle cette fascination qui dans la vie a été son arme la plus puissante et dont les amies de sa mère furent les premières à subir l’ascendant. « Je viens de passer quelques heures avec votre charmante enfant, écrivait Mme de Vermenoux à Mme Necker, et je me presse de partager mon bonheur avec vous. Je l’ai trouvé on ne peut mieux portante, pleine de grâces et de gaieté. Elle m’a reçue à merveille et m’a dit pour vous et pour son papa mille choses que sa bouche et ses yeux seuls peuvent rendre. »

Mais, de toutes les amies de Mme Necker, celle qui s’éprit pour la petite Germaine de l’affection la plus vive, ce fut Mme d’Houdetot. N’y a-t-il pas quelque intérêt dans ce rapprochement amené par le hasard, entre une femme qui représente si bien à notre imagination les grâces du temps passé et une enfant qui devait prêter les accens de son éloquence aux hardiesses des temps nouveaux ? Le voisinage immédiat de Sannois et de Saint-Ouen donnait à Mme d’Houdetot plus d’une occasion de rencontrer la petite Germaine. Elle se la faisait amener ou bien allait la voir pendant que Mme Necker était aux eaux de Spa ou du Mont-Dore, et rendait compte à sa mère de l’état de sa santé avec une vigilance toute maternelle :


J’ay été voir vostre enfant. Elle est dans le meilleur état du monde. Ses beaux yeux étoient bien brillans, bien pleins de vie. Elle est encore grandie ; sa chair est ferme, son teint est excellent. Il luy est tombé deux petites dents de devant, les autres poussent bien. Il y en a une qui vient un peu enfoncée, j’ay montré à sa bonne comment en la pressant légèrement avec le doigt plusieurs fois par jour, on peut sans autre soin luy faire reprendre sa place. J’ay prié qu’on me l’amenât quelquefois et j’iray bien la voir. J’ai du plaisir à l’embrasser. J’ay senty combien l’amitié rend les sentimens semblables : je croyois tenir mon enfant.


Et dans une autre lettre :


Encore un mot de vous et de vostre enfant. Je l’ay beaucoup examinée, je n’ay pas trouvé le moindre progrès dans cette grosseur de l’épaule droite qui vous inquiétoit. Elle marche du pas le plus égal, ce qui prouve qu’il n’y a pas de foiblesse d’un côté. J’attribue la petite différence des deux épaules à l’exercice plus habituel du bras droit qui fortifie plus et grossit cette partie. J’ay recommandé à sa bonne de la faire beaucoup agir de la main gauche. Ainsy, si vous la trouvés gauchère en arrivant, vous m’en aurés l’obligation.