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l’ancien, que, si les actes ont été souvent odieux, le but était grand, puisqu’il s’agissait de sauver la révolution et la patrie. Que pourra-t-elle dire de nos jacobins actuels ? Que leur vigilance n’a signalé que des dangers imaginaires ; que leur vaillance n’a exterminé que des ennemis qui n’ont fait aucun acte d’hostilité ; que, dans cette triste et sotte guerre, on a oublié l’étranger qui nous regarde et nous prend en pitié. Cela ne suffit pas pour leur assurer une grande place dans nos annales républicaines.


III

C’est bien une politique jacobine que celle qui porte atteinte au droit commun. Mais c’est tout ce qu’elle a retenu de l’ancienne tradition. Qu’elle n’ait d’autre passion que l’amour du pouvoir, d’autre but que la pensée de le conserver, d’autre doctrine que l’égoïsme de parti, d’autre conduite que la pratique des expédiens ; c’est ce qu’une revue rapide de ses actes suffira à nous montrer. Ces expédiens varient selon les besoins de cette politique plutôt subie qu’acceptée de nos ministres actuels. Tantôt ce sont des concessions aux partis extrêmes ; tantôt ce sont des satisfactions données aux amis ; tantôt ce sont des diversions imaginées pour distraire l’opinion publique ; tantôt ce sont des réclames de popularité électorale. Le mobile reste toujours le même : l’intérêt de parti.

S’agit-il de l’amnistie plénière ? Pour un parti qui aurait souci avant tout de l’ordre et de la paix intérieure du pays, une pareille question ne devait pas même se poser devant le parlement. Tout ce qui peut ressembler à une réhabilitation de la commune de 1871 a de quoi révolter ou troubler le sens moral du pays. On sait bien que cette thèse n’est point de son goût, et que, si son sentiment d’humanité s’accommode de la grâce, son sentiment de justice ne peut accepter l’amnistie. Le gouvernement le sait, et c’est pour cela que, sans s’expliquer sur le fond de la question, il en avait jusqu’ici ajourné la solution. Mais pourquoi a-t-il accepté l’amnistie partielle, et vient-il de se résigner à l’amnistie plénière ? Parce que l’amnistie, partielle ou plénière, était réclamée par un groupe parlementaire dont le parti républicain ne veut pas se séparer, et que ce groupe est lui-même entraîné par une faction qui, hors du parlement dispose d’une portion considérable du peuple des grandes villes et des grands centres de notre population industrielle, avec lesquels il faut compter dans les élections. C’est donc l’intérêt électoral d’un groupe peu nombreux, qui a empêché de clore une question que l’opinion publique ne voit jamais rouvrir sans inquiétude et sans trouble. Ici, non-seulement le parti