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définir le génie grec. Maintenant même, le critique le plus au courant et le mieux prévenu ne peut pas toujours se défendre de quelque surprise quand il examine une collection de terres cuites. Telle de ces figurines, haute comme la main, a quelque chose de la grandeur et de la fierté d’un marbre du Parthénon, tandis qu’ailleurs c’est une liberté gracieuse et piquante, un aimable abandon, un caprice et un imprévu qui déconcertent un peu, dans le premier moment, ceux mêmes qui en sont le plus charmés. Au bas de telle statuette, vous chercheriez volontiers la signature d’un artiste de la renaissance ou du XVIIIe siècle. Elle date du IVe ou du IIIe siècle avant notre ère, et cependant elle a, comme on dit, quelque chose de tout moderne ; mais, à la bien regarder, on y sent je ne sais quelle fleur et quelle pureté de goût qui empêchent les délicats de s’y tromper. C’est bien toujours la Grèce, mais une Grèce qui s’amuse et qui sourit, qui, des hauts sommets de l’idéal, de la représentation des dieux et des héros, descend aux familiarités de la vie domestique et des sujets de genre, avec cette aisance dont ses grands écrivains ont aussi le secret, quand ils passent sans effort de l’éloquence à la plaisanterie la plus enjouée ou du comique le plus bouffon à la poésie la plus noble. Voyez Platon, voyez Aristophane[1] !

Ce n’est d’ailleurs pas à ce titre seulement que ces petits monumens intéressent l’historien ; il leur demandera tantôt, comme à Tanagre, des indications précises sur le costume et sur les modes qui régnaient, à telle ou telle époque, dans la société grecque, tantôt, comme à Tégée, des renseignemens sur un culte célèbre dont la divinité et les rites ne nous sont que très imparfaitement connus par les textes anciens. Les terres cuites, comme les vases, comme tant d’autres objets fabriqués qui forment des groupes semblables mais moins importans, offrent donc à la curiosité tout un répertoire de faits prodigieusement varié ; elles fournissent des renseignemens que l’on ne pouvait trouver nulle part ailleurs, et ce n’est pas sans motif que la description et l’interprétation de ces monumens prend une place de plus en plus considérable dans les recueils consacrés à l’étude de l’antiquité figurée.

A mesure que la science étendait ainsi son domaine et que les découvertes se multipliaient, ceux qui s’intéressaient à l’histoire de

  1. Nous signalerons particulièrement à la curiosité de ceux qui s’intéressent à cet art charmant les divers opuscules d’un jeune érudit qui connaît mieux que personne tout ce qui touche aux terres cuites grecques, M. Olivier Rayet, et particulièrement son étude intitulée, les Figurines de Tanagra au musée du Louvre, dans la Gazette des Beaux-Arts (avril, juin et juillet 1875). Un ancien pensionnaire de l’école d’Athènes, qui porte un nom bien connu des lecteurs de la Revue, M. Jules Martha, vient de donner un excellent Catalogue des figurines du musée de la Société archéologique d’Athènes (Bibliothèque des écoles françaises d’Athènes et de Rome).