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religieux et industriels, un actif et fécond échange d’idées et de produits ; on en retrouvait partout la trace, en Assyrie comme en Égypte.

Ce qui restait plus obscur, ce qui n’a été déterminé que dans ces dernières années, par des voyages et des travaux tout récens, c’était la direction qu’avaient suivie et les milieux qu’avaient traversés les rayons de ces deux grands foyers pour arriver jusqu’aux rivages orientaux et septentrionaux de la Méditerranée, jusqu’aux tribus encore barbares, aïeules des Grecs et des Romains, pour faire naître dans leur esprit les besoins de la vie policée et pour les initier aux arts qu’elle comporte. Ce que l’on n’était pas encore en mesure d’évaluer, c’était la chaleur et la puissance de ce rayonnement, c’était la part qu’il convenait de faire à chacune de ces deux influences dans le lent éveil du génie grec. La Phénicie n’est bien connue que depuis vingt ans, depuis la mission de M. Renan. Plusieurs voyageurs, anglais et français, Hamilton, Fellows, Texier, d’autres encore, avaient déjà signalé, dans la première moitié du siècle, les curieux monumens de la Lydie, de la Phrygie, de la Cappadoce, de la pittoresque Lycie, dont les dépouilles ont enrichi le Musée britannique ; on devinait vaguement qu’il fallait chercher là les embranchemens et les stations d’une sorte de grande voie royale par où avaient cheminé et s’étaient propagées vers l’occident, d’étape en étape, des inventions et des formes, toute une civilisation dont la Chaldée était le lointain berceau. Ce fut pourtant seulement en 1861 qu’une exploration, dont les auteurs s’inspiraient du désir de résoudre ce problème, acheva de mettre en lumière le rôle qu’avaient joué dans cette transmission les peuples fixés sur le plateau de l’Asie-Mineure[1]. Quant à Cypre, c’est hier seulement qu’elle s’est révélée par les fouilles de MM. Lang et de Cesnola, avec son art mi-parti égyptien, mi-parti assyrien, avec son écriture où des signes empruntés aux alphabets cunéiformes ont servi à noter les sons d’un dialecte grec. On est averti maintenant ; il ne se passe pas d’année où des trouvailles heureuses comme celles de Salzmann à Rhodes, comme la découverte du trésor de Palestrine dans la banlieue de Rome, ne viennent permettre à l’archéologie de rétablir et de rattacher l’un des fils par où passèrent jadis les courans qui, de l’Égypte et de l’Assyrie, vinrent apporter aux Grecs et aux Latins le choc électrique et l’excitation salutaire, l’étincelle de vie.

  1. Exploration archéologique de la Galatie, de la Bithynie, d’une partie de la Mysie, de la Phrygie, de la Cappadoce et du Pont, par MM. Perrot, Guillaume et Delbet, 2 vol. in-f°. Sur les résultats ainsi obtenus, voir la remarquable étude de M. Soury, l’Asie-Mineure d’après les nouvelles découvertes archéologiques, dans le volume intitulé les Religions, les Arts, la Civilisation de l’Asie-Mineure et de la Grèce (1877).