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connus, et elles ne fournissent aucun élément nouveau d’appréciation et de discussion. Enfin l’ordre même qu’a suivi l’auteur ne s’explique pas bien ; il laisse de côté l’extrême Orient, la Chine et le Japon, et il en donne la raison : c’est que ces peuples forment comme une sorte d’humanité séparée de la nôtre, qu’ils ont eu une civilisation égoïste, si l’on peut ainsi parler, qui n’a exercé, pendant toute la période antique, aucune influence sur le développement des nations groupées autour du bassin de la Méditerranée. Rien de mieux ; mais alors pourquoi commencer par l’Inde et en décrire les monumens dans un long chapitre, qui ne manque d’ailleurs pas d’intérêt ? S’il est une vérité avérée, c’est que les monumens de l’Inde, ceux du moins qui ont laissé quelque trace sur le sol de la péninsule, sont de date assez récente ; ils ne remontent guère au-delà du temps des successeurs d’Alexandre. Ce sont peut-être les exemples de la Grèce qui ont provoqué la naissance de l’architecture et de la sculpture indiennes ; en tout cas, dans le domaine délia plastique, la Grèce ne doit rien à l’Inde, tandis que son génie a été éveillé et que ses premiers efforts ont été aidés par les modèles que lui ont fournis l’Égypte et l’Assyrie.

Le plan qui s’impose à tout historien vraiment digne de ce nom est donc celui-là même que lui indique la marche de la civilisation. C’est par l’Égypte qu’il doit commencer, par cette vénérable aïeule des nations policées ; des bords du Nil, il doit se transporter sur ceux de l’Euphrate et du Tigre pour étudier ensuite le rôle et l’action des peuples qui ont servi d’intermédiaires entre l’Égypte et l’Assyrie, d’une part, et de l’autre les ancêtres des Hellènes. Schnaase, on ne sait pourquoi, s’asservit à l’ordre géographique ; il brouille et renverse ainsi tous les rapports. Il met en scène les Phéniciens par exemple avant d’avoir dit mot de l’Égypte ; or l’art phénicien, tout le monde en convient aujourd’hui, n’est guère, qu’on nous passe l’expression, qu’une contrefaçon belge de l’art égyptien. Pendant plusieurs siècles, dans les ateliers de Tyr et de Sidon, de Byblos et d’Arados, on fabrique, pour l’exportation, du faux égyptien, auquel on mêle quelques élémens empruntés à l’Assyrie, et ces produits, d’un éclectisme tout industriel, trouvent un débit assuré sur toutes les côtes de la Méditerranée ; nous les rencontrons aujourd’hui dans les tombes de la Sardaigne comme dans celles de l’Étrurie et du Latium, dans les nécropoles de Cypre et de Rhodes, ainsi que dans les îles de la mer Egée ou dans l’Attique et la Béotie.

Enfin, toute cette partie de l’ouvrage date de plus de quinze ans ; elle est donc antérieure à l’achèvement de plusieurs relations scientifiques qui ont mis à la portée des savans les résultats d’explorations et de fouilles importantes ; ainsi l’auteur n’a pu mettre