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Il ne restait plus ainsi, vers 1845, qu’un seul problème dont la difficulté défiât encore les ressources de l’érudition contemporaine : c’était le problème du déchiffrement des inscriptions cunéiformes dites anaryennes. Il ne restait plus à naître, ou plutôt à se constituer, entre les nombreuses provinces de l’érudition orientale, que celle de l’assyriologie.

Ici encore c’est le nom de Burnouf que nous rencontrons, puisque c’est lui qui le premier déchiffra les inscriptions cunéiformes persanes. À la vérité, ses efforts pour lire les inscriptions cunéiformes du second et du troisième système, — car on sait qu’il y en a trois, — avaient échoué. Il n’en avait pas moins ouvert la voie, puisqu’il s’agissait d’inscriptions trilingues et que le premier problème à résoudre était d’en pouvoir lire une quelconque. On n’en lisait aucune encore avant la reconstitution du zend et les déchiffremens d’Eugène Burnouf. En lisant les cunéiformes persans il rendait donc aux assyriologues de l’avenir le même service qu’avait rendu jadis aux égyptologues le texte grec de la pierre de Rosette. Pourtant, malgré ce premier secours et les espérances qu’avait fait naître la lecture des inscriptions d’Hamadan, peu de problèmes ont résisté plus longtemps aux efforts de l’érudition orientale que celui de la lecture des cunéiformes. Je vois qu’à la date de 1863 M. Mohl en était encore à forger précisément ce nom d’assyriologie « pour une école qui n’en avait pas encore. » Elle avait fait cependant, en dépit des sceptiques, bien des progrès depuis 1836, et déjà les noms des Rawlinson, des de Saulcy, des Hincks et des Oppert étaient illustres. Nous nous reprocherions de ne pas y joindre le nom de M. Menant, qui peut-être a fait plus que personne pour populariser les méthodes et les résultats de l’assyriologie. Mais encore ici, tout en rendant pleine justice à la sagacité des érudits, nous croyons qu’il est permis de répéter ce que nous disions plus haut de l’Égypte : c’est à savoir que l’assyriologie ne saurait offrir le même intérêt, pour l’histoire de l’humanité, que telles et telles autres parties de l’érudition orientale. Ici comme partout, au risque de se tromper et de recevoir un démenti de l’avenir, il est utile de classer, d’ordonner et de subordonner. Les classifications n’importent guère aux érudits, sans doute, qui suivent consciencieusement chacun la voie qu’ils ont entreprise, mais elles importent beaucoup au public. Et c’est le grand intérêt des études orientales qu’elles ont de quoi justement intéresser le grand public. Jusqu’à ce jour donc, trois grandes littératures, — sémitique, indienne et chinoise, — forment les trois grandes provinces de l’érudition orientale. On y peut joindre, si l’on veut, la littérature persane. Autour de chacune d’elles, comme un système de planètes autour d’un astre central immobile, gravite un nombre plus ou moins grand de littératures secondaires dont chacune est l’expression d’une civilisation