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ce qui suit : « En ce qui touche mes répugnances pour la politique étrangère de l’Autriche en des temps où elle portait son activité au-delà de ses frontières, je ne cacherai pas à votre excellence que de graves appréhensions avaient été excitées dans mon esprit que l’Autriche ne voulût jouer dans la péninsule des Balkans un rôle hostile à la liberté des populations émancipées et aux espérances raisonnables et garanties des sujets du sultan. Ces appréhensions se fondaient, il est vrai, sur des témoignages non officiels, mais ils n’émanaient pas de personnes hostiles, et c’étaient les meilleurs qui fussent à ma disposition. Votre excellence a aujourd’hui la bonté de m’assurer que son gouvernement n’a aucun désir d’étendre les droits qu’il tient du traité de Berlin ou d’y ajouter et que toute extension semblable serait actuellement préjudiciable à l’Autriche-Hongrie. » Évidemment, M. Gladstone fait allusion au rôle destiné à l’Autriche en Orient par l’accord austro-allemand de Vienne, avec le consentement du cabinet Beaconsfield. Parlant dans cette lettre, datée du foreign office, 6 mai 1880, en sa qualité de ministre de la reine d’Angleterre, il ne retire son opposition que sur la promesse faite par l’ambassadeur d’Autriche que cette puissance s’en tiendra aux droits que lui concède le traité de Barlin. Or ces droits se réduisent à l’occupation temporaire de la Bosnie et de l’Herzégovine, tandis qu’il est évident que l’Autriche entend bien garder ces provinces définitivement.

L’hostilité avouée de M. Gladstone à toute extension de l’influence autrichienne est-elle justifiée ? Question importante, car des résolutions et de l’avenir de l’Autriche dépend le triomphe ou l’échec du panslavisme. Si l’Autriche combat les légitimes aspirations des populations slaves, elle mérite l’opposition de M. Gladstone et, de plus, elle se suicide. Si, au contraire, elle accepte la mission de protéger sans arrière-pensée le développement des états autonomes qui s’élèvent sur les ruines de la Turquie, elle les attirera dans son orbite, et un jour, sous une forme ou sous une autre, tout l’Orient lui appartiendra. L’Europe, dans ce cas, doit la soutenir, car elle agira au profit de l’humanité et de la civilisation, et elle préviendra la création de l’unité panslaviste.