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que prennent tous les gouvernemens dans les temps de misère, ou dans un intérêt d’ordre public. Ce sont des mesures d’assistance publique, des mesures contre la mendicité, car à quoi reconnaîtra-t-on l’oisiveté ? Enfin des promesses vagues de travail. Les principes de l’arrêté appartiennent bien à l’école du socialisme, mais d’un socialisme encore assez vague et passablement innocent. Il n’en est pas de même de l’Instruction sur Lyon[1], c’est l’expression du socialisme le plus sauvage et le plus haineux. L’antithèse banale et déclamatoire du pauvre et du riche est développée avec complaisance et diffusion : « Ils ont vu, disent-ils, que celui dont les mains robustes donnaient du pain à leurs concitoyens souvent en manquait lui-même, et l’arrosait de ses larmes plus que de ses sueurs… Ils ont vu dans les maisons de la richesse, de l’oisiveté et du vice tous les raffinemens d’un luxe barbare ; ils ont vu prodiguer l’or aux sangsues du peuple, à des scélérats couverts d’opprobre et engraissés de la substance des malheureux. » S’adressant aux riches, on leur disait : « Vous avez osé sourire avec mépris à la dénomination de sans-culotte ; vous avez eu du superflu à côté de vos frères qui mouraient de faim. » Suivant les auteurs de la circulaire, le moment était venu de faire un nouveau pas dans la révolution, un nouveau changement, « une révolution totale. » En conséquence, on établissait une taxe sur les riches. Il ne s’agissait plus « d’exactitude mathématique, » ni de scrupule timoré. — « Agissez en grand ; en effet, tout superflu est une violation du droit du peuple. » Quel est ce superflu ? Ce sont : « des amas ridicules de draps, de chemises, de serviettes, de souliers. De quel droit garderait-on dans son armoire ces vêtemens superflus ? » Ce ne sont pas seulement ces objets utiles, mais surabondans, qu’il faut requérir ; ce sont encore « ces métaux vils et corrupteurs que dédaigne le républicain ; » en conséquence, « ils doivent s’écouler dans le trésor national. »

Parmi les personnages importans de la révolution, il y en avait un qui, bien avant 1789, avait écrit un livre contre la propriété, et qui depuis, revenu à des idées plus sages, fut assez embarrassé de se défendre contre ceux qui le lui reprochaient. C’est encore là un épisode curieux de l’histoire de la propriété pendant la révolution.

C’est en 1778 ou 1780 que Brissot de Warville avait publié le livre intitulé : Recherches philosophiques sur la propriété et sur le vol.

  1. Cette Instruction n’est pas précisément l’œuvre de Fouché et de Collot d’Herbois. Elle est l’œuvre de la Commission temporaire de surveillance républicaine (Duhamel, président) Perrotin, vice-président ; Vert, procureur-général). Mais elle a été approuvée par Fouché et Collot d’Herbois.