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de Navarin, et le discours du trône qu’ils avaient rédigé appelait cette victoire un événement fâcheux. Ils empêchaient les soldats portugais réfugiés en Angleterre de retourner dans leur pays pour s’y mettre au service des constitutionnels. Wellington était pour les souverains contre les révolutionnaires, pour les Turcs contre les Grecs. Il était en relations agréables avec M. de Polignac, alors ambassadeur de France à Londres, et M. de Polignac, revenu en France pour y former un ministère de réaction, considérait comme un élément de succès le maintien du cabinet Wellington. Quelques mois plus tard, les Belges s’insurgeaient contre le roi de Hollande. De tous les événemens auxquels l’illustre duc avait pris part en qualité de général d’armée, les deux plus importans étaient le rétablissement des Bourbons sur le trône de France et l’annexion de la Belgique à la Hollande. Personne ne pouvait supposer qu’il vît avec indifférence les révolutions anéantir en ces deux pays l’œuvre de 1815. En toutes choses, le duc allait à l’encontre de l’opinion publique.


III

À peine Guillaume IV était-il proclamé roi que les ministres s’empressèrent de dissoudre le parlement. Ils avaient hâte sans doute d’échapper à la situation fausse que leur créaient la rancune des tories et l’hostilité des whigs. Par un hasard malheureux, les élections générales commencèrent dans la semaine même où parurent les ordonnances de juillet, si bien que les libéraux anglais se dirent qu’ils allaient se débarrasser de Wellington, comme les Français s’étaient débarrassés de Polignac, parallèle injuste s’il en fut jamais, car il n’y avait nul motif de comparer au ministre de Charles X le général le plus respectueux des lois de son pays qu’il y eut au monde. Que les journées de Paris aient ou non influé sur les électeurs, les ministres perdaient beaucoup de leurs partisans. Les libéraux gagnaient peu de sièges, les tories conservaient la majorité ; mais les uns et les autres s’entendaient pour combattre le cabinet. En même temps, les abus propres au système électoral alors en vigueur se manifestaient avec tant d’évidence que la réforme parlementaire redevenait la question importante du jour. Au surplus, dans les grandes villes qui étaient encore dépourvues du droit de suffrage, à Birmingham notamment, des associations populaires s’étaient déjà formées pour revendiquer une plus équitable répartition des sièges au parlement. La détresse était grande d’un bout à l’autre du royaume ou, pour mieux dire, elle s’était sans cesse accrue depuis la crise financière de 1825. Le paupérisme s’était développé au point que l’on comptait un indigent sur six personnes en Angleterre et dans le pays de Galles. Dans les