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l’instant d’après, les menaça, s’ils insistaient, de se retirer dans ses états héréditaires de Hanovre. Eût-il exécuté cette menace, personne ne l’eût regretté. L’Angleterre n’éprouvait pour lui que de l’indifférence ; les ministres n’étaient pas forcés de se montrer déférons envers un roi que le pays n’avait aucun souci de conserver.

Bien que le duc de Clarence, qui succédait à son frère sous le nom de Guillaume IV, eût mené, lui aussi, une vie dissipée, il n’était pas trop impopulaire parce que ses défauts convenaient au tempérament national. Il était ouvert, remuant, familier avec les gens de peu, excentrique en somme. Tout jeune, il avait servi dans la marine. Lorsque, par la mort du duc d’York et la retraite volontaire du duc de Wellington, le commandement en chef des troupes devint vacant, en 1827, Canning, qui ne trouvait, ni dans la famille royale, ni au dehors, un personnage capable de remplir ce haut emploi, imagina par compensation de faire nommer le duc de Clarence grand-amiral. Il ne put y rester dix-huit mois, tant il fatiguait les marins et le personnel de l’amirauté par l’originalité de ses actes ou de ses démarches. Un tel souverain n’était pas de taille à faire revivre les privilèges de la prérogative royale. Le pouvoir devait appartenir, sa vie durant, aux ministres, c’est-à-dire au parlement.

On a vu que le cabinet Wellington, malgré le bien qu’il avait voulu faire et qu’il avait en partie réalisé, s’était aliéné les sympathies des libéraux aussi bien que des ultras. Sa politique étrangère ne fut pas plus heureuse. L’attitude indépendante prise par Canning en face des tendances absolutistes de l’Europe avait eu le mérite de donner un grand poids à l’Angleterre dans les affaires où elle marchait d’accord avec ses anciens alliés. Les monarques du continent comptaient avec elle, recherchaient son concours ; et ces affaires étaient graves, car il s’agissait du Portugal en proie à la guerre civile, de la Grèce qui luttait pour s’affranchir du joug du Turc. Lorsque dom Miguel avait voulu rétablir le pouvoir absolu en Portugal, Canning avait envoyé à Lisbonne un corps de débarquement pour y soutenir les constitutionnels. En juillet 1827, Canning avait conclu, avec la France et la Russie, le traité de Londres, par lequel les trois puissances s’engageaient à peser de leur influence, de leurs armes au besoin, pour faire cesser la lutte entre la Grèce et la Porte. Les troupes anglaises continuèrent à tenir garnison sur les bords du Tage ; le traité de juillet resta valable ; peut-être même les instructions données aux agens extérieurs de la Grande-Bretagne ne furent-elles pas changées ; mais, en somme, Wellington et ses collègues ne les entendirent pas dans le même sens. Ils prenaient le pouvoir au lendemain de la bataille