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avait pas seulement des aventuriers, des officiers de fortune, dans le nombre de ceux qui mettaient leur épée à la disposition des insurgés. L’un des plus brillans capitaines de la marine de guerre, lord Cochrane, que ses opinions radicales avaient fait entrer à la chambre des communes pour Westminster et qu’une affaire délicate en avait fait sortir, partait, en 1818, pour le Chili, où les révoltés lui conférèrent tout de suite le grade de vice-amiral. L’amirauté ne regrettait pas lord Cochrane, qu’elle accusait d’être trop remuant. Toutefois, comme l’Espagne se plaignait que ses sujets insurgés eussent la faculté d’enrôler des troupes dans les Iles Britanniques, les ministres de George IV durent mettre obstacle à ce recrutement. On aura peine à le croire, aucune loi ne permettait d’empêcher le départ des volontaires ou la vente des munitions de guerre. Une loi, votée au temps de George II, déclarait coupables de félonie ceux qui s’enrôlaient dans l’armée d’un monarque étranger ; mais les colonies espagnoles n’avaient pas encore une existence reconnue ; cette loi ne s’appliquait pas aux soldats qui prenaient les armes sous leur drapeau. Le parlement vota, non sans opposition, un bill qui défendait les enrôlemens. Ce fut la dernière concession faite aux désirs de la sainte-alliance.

On le sait, l’Europe n’était pas encore pacifiée. Des révolutions éclataient à Madrid, à Naples, à Lisbonne, à Turin. Les rois étaient obligés d’accorder des constitutions à leurs sujets. Les souverains de Russie, de Prusse et d’Autriche, réunis en congrès à Laybach, s’accordèrent pour envoyer en commun aux autres puissances européennes une circulaire dans laquelle ils se déclaraient prêts à rétablir la paix, par la force des armes, dans tous les états où leur intervention serait nécessaire. Suivant les doctrines de la sainte-alliance, les lois et les constitutions peuvent être changées uniquement par l’initiative et par la volonté de ceux que Dieu a rendus dépositaires du pouvoir suprême. L’histoire entière du peuple anglais, depuis la révolution de 1688 et même depuis la grande charte, protestait contre cette maxime. Le plénipotentiaire anglais, — car il y en avait un à Laybach, — s’était abstenu ; mais n’était-ce pas trop déjà qu’il eût gardé le silence en entendant cette hautaine revendication du droit des souverains à intervenir dans les affaires intérieures des autres états ? On en fit le reproche à lord Castlereagh, qui se serait bien gardé de prendre parti contre ses anciens alliés. Il avait assez vécu avec les souverains du continent pour s’entendre avec eux à mots couverts. Il se contenta de déclarer que, tout en désapprouvant les révolutions survenues en Espagne et en Italie, il ne contestait pas que le principe d’intervention pût devenir un principe du droit international. Le duc de Wellington fut moins ambigu : il félicita l’ambassadeur d’Autriche de la marche des troupes