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roi, d’amener une crise de la maladie à laquelle son infortuné maître était sujet. Que ce soit vrai ou faux, il est certain qu’il ne fut plus jamais question de mesures de clémence envers les catholiques tant que George III gouverna la Grande-Bretagne. Parlement et ministres étaient d’accord pour ne pas irriter sur ce point la susceptibilité du souverain, et pourtant l’idée d’émancipation faisait son chemin à pas lents. Dès 1812, au commencement de la régence, lord Liverpool se trouvait obligé, pour composer son ministère, d’admettre que les revendications catholiques seraient une question ouverte, c’est-à-dire que chaque membre du cabinet resterait libre d’en penser ce qu’il voulait. Castlereagh s’était déclaré partisan des concessions. En 1813, Grattan, le plus éloquent, le plus habile des avocats que l’Irlande ait jamais eus, obtenait de la chambre des communes un premier vote favorable aux intérêts de sa religion. Mais, lorsque arriva la discussion sur les articles du projet de loi qu’il avait présenté, la chambre admit un amendement en vertu duquel les catholiques auraient reconquis la jouissance de tous les droits civils et politiques, à l’exception d’un seul : l’entrée du parlement. Le remède était pire que le mal ; la discussion du projet n’alla pas plus loin.

En 1821, il y avait un nouveau roi sur le trône, un nouveau parlement à Londres. Grattan était mort ; mais les Irlandais avaient un nouveau champion, William Plunkett. Voyez comme les idées libérales gagnaient du terrain ! Plunkett appartenait au parti des grenvillites ; il avait soutenu les ministres dans les débats auxquels donnèrent lieu les troubles de Manchester, appuyé les lois restrictives proposées par le cabinet Liverpool. Elu dans la force de l’âge par un bourg irlandais, à la chambre des communes, après avoir acquis au barreau la plus brillante réputation, il était du petit nombre des avocats de grand talent à qui les hautes charges judiciaires étaient réservées. Il ne craignit point cependant d’affronter la majorité en lui demandant d’examiner les réclamations des. catholiques. Enhardi par un vote qui lui fut favorable, il proposa deux bills : par le premier, les catholiques devenaient admissibles à tous les emplois publics, à l’exception des dignités de lord-chancelier d’Angleterre et de lord-lieutenant d’Irlande ; le second donnait à la couronne un droit de veto sur la nomination des évêques par le pape ; il obligeait, en outre, les prêtres à prêter serment de tenir une conduite loyale et pacifique et de ne correspondre avec Rome que sur des matières étrangères aux droits civils du souverain. Ce double projet était fort adroitement conçu, puisque, tout en abolissant d’iniques restrictions, il prévoyait l’abus que le clergé aurait été tenté de faire de son influence sur les populations. Il fut attaqué de deux côtés : par les catholiques irréconciliables, qui n’en