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on est mêlé n’apparaissent pas avec leurs justes proportions : tantôt on leur attribue une importance exagérée, tantôt on n’en saisit pas toute la valeur. Plus tard seulement, quand elles seront entrées dans le passé, on pourra les apprécier avec leur portée exacte, parce qu’alors on en aura vu les résultats, qui sont ici le plus sûr criterium. Il n’y a donc pas de véritable histoire des époques contemporaines : tout ce qu’on peut demander, ce sont les faits, les faits dans leur nudité, qui sont le squelette de l’histoire : plus tard viendront les appréciations, les jugement qui en sont le sang et la chair.

C’est à ce point de vue des faits que le Recueil des traités, conventions, lois et autres documens relatifs à la paix avec l’Allemagne se recommande à l’attention publique. M. Villefort, ministre plénipotentiaire, qui a conçu le plan de ce grand ouvrage et qui vient de l’achever, a rendu par là un service signalé à tous ceux qui prennent intérêt aux affaires de la France. Sans doute tous les documens n’étaient pas inédits : il en est beaucoup qui ont déjà vu le jour : mais comment et où l’ont-ils vu ? Dans des journaux quotidiens dont chaque numéro pousse celui de la veille dans le néant. Il était nécessaire de coordonner les pièces éparses çà et là dans des collections de journaux qui deviendront de plus en plus rares et que leurs dimensions même rendront inaccessibles. C’était la seule manière de les sauver de l’oubli. Nous songions en parcourant ce vaste Recueil à la sûreté d’informations qu’il assurerait aux historiens de l’avenir, qui seront tentés d’étudier par le menu la sinistre période de nos annales, marquée par la guerre contre l’Allemagne et par l’insurrection de Paris. Et ce n’est pas seulement par les futurs annalistes de la France que ces textes seront utilement consultés. L’œuvre de M. Villefort a un intérêt plus actuel : elle s’adresse aux hommes d’état qui pourront y voir comment le gouvernement français a su faire face à la plus terrible crise qu’ait traversée la France depuis bien des années, — aux hommes d’affaires qui ont besoin de consulter journellement certains documens dont la connaissance est nécessaire pour la solution de mille questions pratiques, — au public enfin, j’entends le public instruit qui aime à se rendre un compte exact des choses, sans se borner aux données vagues et superficielles dont on se contente trop souvent.

M. Villefort s’est mis à l’œuvre immédiatement après la guerre, sans penser alors que son travail prendrait les proportions d’un véritable monument. « Dans l’année qui a suivi la guerre, dit-il, on n’avait pu que pourvoir au plus pressé, satisfaire tout d’abord le vainqueur, et préparer la délivrance du territoire en rentrant dans un état normal et régulier : cette première besogne accomplie, une tâche immense restait à remplir pour consolider l’œuvre de la paix. Les intérêts publics et privés avaient été si profondément atteints par six mois de guerre