Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si courtes qu’il se promettait de venir chercher le repos à Paris, sous l’égide tutélaire de Louis XVI. Il disait : « Je ne suis pas ambitieux, je ne demande qu’à me cacher comme une puce ; mais une puce est plus heureuse dans la crinière d’un lion que sur le dos d’un roquet qui passe sa vie à se gratter. » A de certaines heures, comme ce Genevois, les peuples voient passer dans leurs rêves des crinières de lions, et ils ont grand tort de caresser cette chimère, car les lions font toujours payer très cher leurs services.

Les gouvernemens démocratiques sont à la fois les plus forts et les plus faibles de tous. Ils feraient bien d’user de leur puissance pour combattre les défauts de la démocratie, au lieu de les favoriser et de les flatter ; tout irait bien mieux s’ils employaient à se défendre contre leurs amis une partie de la force qu’ils réservent tout entière pour détruire leurs ennemis. Il suffirait pour cela qu’ils eussent à leur tête un homme franc du collier, un homme qui sût vouloir. Il y a des momens où les démocraties sont prêtes à s’agenouiller devant la force ; elles devinent par une sot te d’instinct que ce qui leur manque surtout, c’est le caractère, et nous admirons toujours ce qui nous manque. Un homme de caractère et de volonté, voilà assurément la plus précieuse aumône que le ciel puisse leur faire. — Un cheval pour mon royaume ! mon royaume pour un cheval ! s’écriait Richard III. — Il est des jours où une nation qui se sent pauvre dans sa richesse en sacrifierait de grand cœur la moitié pour trouver un homme qui sache dire non.


G. VALBERT.