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LA
FORCE ET LA FAIBLESSE
DES
GOUVERNEMENS DEMOCRATIQUES

En 1873, il s’éleva entre M. de Bismarck et le comte Arnim, alors ambassadeur d’Allemagne à Paris, un différend assez vif sur la question de savoir quelle sorte de gouvernement un bon patriote prussien devait souhaitera la France. Ils s’accordaient l’un et l’autre, cela va sans dire, à reconnaître que ce gouvernement devait être le plus détestable du monde ; mais leur accord n’allait pas plus loin. M. de Bismarck pensait qu’il était d’un bon patriote prussien de faire des vœux pour le progrès des idées républicaines en France ; il avait décidé, que la république conduit fatalement un peuple de la dyspepsie à l’apepsie et de l’apepsie à l’anarchie la plus complète. Le comte Arnim prétendait que cette conséquence n’était pas nécessaire. S’il s’était fait à Versailles quelque tentative sérieuse de respiration monarchique, il y aurait volontiers prêté les mains, estimant que toute monarchie restaurée se trouverait aux prises avec d’insurmontables difficultés, qu’elle devrait employer toutes ses forces à se défendre, sans pouvoir rien entreprendre au dehors, que sa devise serait : Tout pour la vie, rien pour l’honneur. Il prétendait qu’au contraire la république pourrait assurer à la France l’ordre et la prospérité. Il allait jusqu’à prévoir le cas ce où l’on verrait en Allemagne un gouvernement faible et impopulaire et de l’autre côté des Vosges un gouvernement républicain qui ferait bonne figure et s’imposerait au respect de l’Europe. Un tel cas, disait-il, deviendra plus