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1811 de prendre aucune part aux affaires. Habitué dès l’enfance à se croire le droit d’imposer sa volonté, esprit étroit, entêté, il avait commencé son long règne sous de fâcheux auspices. Il avait rebuté Pitt, entrepris une guerre désastreuse contre les colonies d’Amérique : ces fantaisies de pouvoir absolu l’avaient rendu impopulaire ; mais, lorsqu’il fut revenu aux principes du régime parlementaire, lorsque surtout la maladie eut éteint le peu qu’il avait eu d’intelligence, ses sujets ne se souvinrent plus que de la décence de sa vie privée, de son dévoûment à la grandeur de l’Angleterre. Il eut un regain de popularité sur ses vieux jours ; la reine Charlotte était la digne épouse de cet honnête monarque. Les scandales de la cour de Versailles vivaient encore dans toutes les mémoires ; George II lui-même avait été grossier et libertin. Les Anglais étaient fiers d’un couple royal qui donnait l’exemple des vertus privées.

Le roi profitait au surplus des défauts que son fils, le prince de Galles, affichait avec trop d’ostentation. M. Spencer Walpole ne le juge-t-il pas avec partialité ? « Ce fut un mauvais fils, un mauvais mari, un mauvais père, un mauvais ami, un mauvais souverain. » La liste est complète des qualités que l’on aurait voulu découvrir en lui et dont l’historien se voit obligé de constater l’absence. Sa seule ambition était de paraître le premier gentilhomme de l’Europe et, en effet, il savait plaire. Il était débauché, il s’enivrait, il parlait un langage inconvenant avec ses compagnons de tous les jours, et pourtant, acteur consommé, il savait captiver un homme de génie comme Walter Scott ou un homme pieux comme Wilberforce. Le pays commença par se fatiguer d’avoir souvent à payer ses dettes ; on avait encore tant d’attachement pour la dynastie que l’on crut l’avenir assuré lorsque son mariage fut annoncé. L’illusion fut de courte durée : il eut une fille, puis il se sépara de sa femme pour toujours ; On sait ce que devint la princesse de Galles. Partie pour l’Italie où elle vivait dans la compagnie familière d’aventuriers de bas étage, elle ne reparut plus que pour réclamer son rang au jour où George IV monta sur le trône. L’unique fruit de cette union malheureuse, la princesse Charlotte, grandit dans l’isolement. De l’époux qu’elle choisirait devait dépendre le sort du royaume-uni. On sait aussi comment périrent les espérances légitimes que le pays avait mises en elle.

À défaut de cet unique héritier, la famille royale comptait de nombreux représentans. George III avait eu quinze enfans, dont douze vivaient encore. Aucun d’eux ne sut conquérir les sympathies du peuple. Le second fils, le duc d’York, marié à une princesse royale de Prusse, n’avait pas d’enfans. Comme général, il