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Charles II lui répondit : « Qu’importe qu’il s’y oppose ? il suffit que je le veuille. » Parole résolue, comme en prononça bien peu ce triste monarque.

Don Juan, informé de ce langage du roi par ses espions, comprit que le moment de sa chute était arrivé. Pour l’achever, on distribua dans le public une pièce de vers où étaient rappelés, avec une sanglante ironie, les désordres de la vie de sa mère et le scandale de sa douteuse naissance. Cette pièce, attribuée à l’amirante de Castille, débutait ainsi :

« Un histrion et un duc, un moine et une tête couronnée, figurèrent sur la liste de la belle Calderon. Le bal commença : et, parmi tous ceux qui entrèrent en danse, quelqu’un se vante de savoir quel est celui qui mérita le prix. Moi, je double la mise, et je parie pour le moine[1]. »

Ce fut le coup de grâce. Atteint d’une fièvre maligne, le malheureux prince se mit au lit et ne se releva plus. Il venait de conclure sous ces tristes auspices le mariage de Charles II avec l’intéressante et infortunée Louise d’Orléans, nièce de Louis XIV. Rassemblé sous les fenêtres du palais, le peuple de Madrid manifestait sa joie de cet hymen par des feux d’artifice mêlés de pétards, et Charles II, du haut de son balcon, jouissait de ces éclats de la joie populaire sans égard pour son frère moribond, à qui tout ce bruit fendait la tête. Le fils de Maria Calderon rendit le dernier soupir le 17 décembre 1679. L’habit magnifique qu’il avait commandé pour la cérémonie des noces royales figura sur son cercueil. Pendant que ses restes étaient transportés al pudridero de l’Escurial, le roi montait en carrosse pour se rendre à Tolède, accompagné de tous les exilés.

Cette mort fut, comme nous l’avons dit, le signal de l’adoucissement du sort de Valenzuela. Après le retour à Madrid de la reine mère, il fut de nouveau question de lui. Mais cette affaire avait fait trop de bruit ; elle avait trop compromis la réputation de Marie-Anne pour qu’il parût convenable de rappeler sur-le-champ l’ancien favori. D’ailleurs, les circonstances étaient changées. Il y avait

  1. Un frayle y una coronan,
    Un duque y un cartelista,
    Anduvieron en la lista
    De la bella Calderona,
    Baylò, y algun blasona
    Que de quantos han entrado
    En la danza, ha averiguado
    Quien llevò el prez del bayle.
    Pero yo atengo me al frayle,
    Y quiero perder doblado.