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reçurent d’ailleurs l’approbation générale, vu la grande naissance et le mérite des titulaires, avaient été concertés sur le rapport de don Francisco de Gamboa, garde des joyaux de la couronne, mais-tout le monde les attribua au nouveau favori, dont Gamboa possédait l’entière confiance. Cette affaire peut être considérée comme une des principales causes qui amenèrent les malheurs de Valenzuela. Les satisfaits, pleins de l’idée de leurs droits, lui en gardèrent peu de reconnaissance, les exclus devinrent pour lui d’irréconciliables ennemis : au premier rang, le duc d’Albe qui avait été laissé de côté, malgré ses cheveux blancs, ses services et sa grande autorité ; son fils aîné, don Antonio de Tolède, n’avait pas même obtenu une, clé de chambellan. Vainement on chercha à le dédommager en lui accordant la Toison d’or sans qu’il l’eût demandée. Il n’oublia jamais ce qu’il considérait comme un affront.

Plus le favori était attaqué, plus la régente s’attachait à le soutenir. En réponse aux murmures des grands, elle déclarait Valenzuela surintendant du palais (de grands remaniemens s’opéraient dans la demeure royale), gouverneur du Parde et autres maisons de campagne de sa majesté, place occupée par le marquis del Carpio, qui venait d’être nommé ambassadeur à Rome. Charles II, dont la santé s’était affermie, commençait à montrer un goût très vif pour la chasse. C’était à peu près son unique penchant. Les nouvelles fonctions du favori mettaient entre ses mains l’ordonnance et disposition des fêtes de la cour, la mise en scène des ballets et des comédies, où il avait soin de faire figurer les siennes. A lui appartenait également le droit de désigner les lieux et jours des chasses royales. Il trouvait ainsi maintes occasions de gagner la faveur du prince en lui ménageant ses plus chers-plaisirs. Le jour de la majorité étant arrivé, la proclamation de ce grand événement eut lieu avec les solennités accoutumées. Les réjouissances populaires se mêlèrent aux cérémonies religieuses. Il y eut des courses de taureaux dans la Plaza mayor, et, dans les rues des représentations à grand spectacle. La veille, avait eu lieu au palais un splendide t »al masqué. A la tête du cortège figuraient les ducs d’Albuquerque et de Medina-Celi. Le défilé était fermé par le comte de Saldana, fils aine du duc de l’Infantado, donnant la main droite à Valenzuela. La politique semblait faire trêve dans les plaisirs. La sécurité de la reine était complète.

Cependant la cabale ne s’endormait point. Le nombre des mécontens conjurés contre le nouveau favori s’était accru de deux personnages considérables : don Francisco Ramos del Manzano, précepteur du roi, et don Pedro Alvarez de Monténégro, son confesseur. Le premier était un grave et savant personnage,