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aurait tous réduits à se vêtir de esteras, sorte de sparterie grossière dont on fait des nattes, et quelquefois des matelas en Espagne. Après être restée quelque temps sans accorder sa confiance à personne, elle éprouva de nouveau le besoin d’avoir, en dehors des conseillers que lui avait donnés le testament de son époux, un homme entièrement à elle, prête à payer son dévoûment par une confiance sans bornes. Or cet homme était tout trouvé : c’était Valenzuela, dont elle avait pu déjà apprécier le zèle à défendre ses intérêts. Il n’est guère permis de douter, malgré la discrétion chevaleresque des documens espagnols sur ce point, que les avantages personnels du cavalier andalous, son esprit et l’agrément de ses manières entrèrent pour quelque chose dans cette grave résolution de la reine. On en a la preuve dans la longue série d’imprudences que cet attachement lui fit commettre et qui finirent par la ruiner entièrement dans l’opinion. Jamais il ne fut plus vrai de dire, avec le cardinal de Mazarin, que qui a le cœur a tout.

On vit tout à coup Valenzuela nommé introducteur des ambassadeurs, titre qui lui donnait l’entrée officielle au palais (12 octobre 1671). Cette ; nomination ne tarda pas à être suivie de celle de membre du conseil des affaires d’Italie, l’un de ces grands conseils qui, avec ceux de la Nouvelle-Espagne, du Pérou, de l’inquisition, des finances, entretenaient seuls encore la grandeur et l’activité de la noblesse espagnole. Peu de temps après, une contestation s’éleva entre Valenzuela et le duc de l’Infantado, grand majordome de la reine, sur la question de savoir à qui appartenait le droit d’abaisser la portière du carrosse de sa majesté. Marie-Amne trancha la question par la promotion de son favori au titre de premier écuyer, et cela sans prendre l’avis du grand écuyer, de qui dépendait cette charge ; premier et grand scandale dans cette cour, mère de l’étiquette, où les infractions de ce genre devenaient de véritables événemens. a Les Espagnols, disait lord Godolphin, qui les connaissait bien, parlent des autres matières, mais ils s’intéressent à celles-ci. »

Cependant approchait l’époque de la majorité de Charles II, né le 6 novembre 1661, et le moment était venu de pourvoir aux grandes charges qui devaient former la maison royale. Au nombre des compétiteurs se trouvaient, comme c’était leur droit, les représentai des plus illustres familles de l’Espagne, qui attendaient cet événement dans une grande anxiété. La cour ignorait encore que la question fût à l’étude, quand tout à coup parut la liste des nominations. Le duc de Médina Celi était nommé grand chambellan, le duG d’Albuquerque grand majordome, l’amirante de Castille, don Fadrique Henriquez, grand écuyer. Ces choix, qui