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voit les trois victimes, Silvestro, Domenico et Girolamo, — celui-ci au milieu, désigné par ses initiales. — Ils sont tous trois pendus ensemble à un gibet au-dessus du bûcher ; les noms des assistans officiels sont au bas ; l’architecture ne manque pas de couleur locale.

L’auteur du recueil n’avait certainement pas à s’interdire d’emprunter à d’autres publications contemporaines des gravures concernant son propre sujet. Par exemple, un petit traité apologétique de Domenico Benivieni en faveur de Savonarole (Florence, 1496) lui a offert une estampe reproduisant une des principales visions du célèbre prédicateur : la Rénovation du monde par le sang de Jésus-Christ. Cette pièce présente un intérêt particulier en dehors de son sens général, car on y aperçoit une silhouette de Rome qui montre visiblement plusieurs des édifices subsistant à la fin du XVe siècle : la Rotonda, la colonne Trajane et la tour della Milizia. Nous avons fait ressortir ailleurs[1] l’intérêt de ces représentations figurées, qui peuvent servir de jalons chronologiques pour l’histoire de la topographie roumaine.

Indépendamment des gravures directement relatives à Savonarole, M. Gruyer a voulu donner quelques spécimens caractéristiques de la gravure sur bois telle qu’elle se montrait alors, même dans des œuvres très éloignées du genre de celles qui devaient l’occuper spécialement. La mesure et le choix devenaient ici, à vrai dire, fort difficiles. Pour peu qu’on étende le regard autour de Savonarole ou bien avant lui, on trouve, dans le seul dernier quart du XVe siècle, une série d’œuvres gravées qui pourraient servir d’intéressant et utile commentaire soit pour l’histoire des idées, soit au point de vue de l’histoire de l’art. Dès 1477, dans un livre ascétique d’Antonio Bettino de Sienne, dont une autre édition a paru également à Florence en 1491 sous ce titre : del Monte santo di Dio, on voit deux importantes gravures traduisant une pensée et des visions mystiques. L’une expose tous les supplices de l’enfer, les damnés mangés tout vivans, ou bien plongés dans la chaudière bouillante, ou bien déchiquetés par les démons. L’autre représente l’échelle divine qui monte vers Jésus-Christ : chacun des échelons est une vertu chrétienne ; un jeune clerc y monte hardiment ; un jeune laïque est tout près, mais le diable le retient attaché par le pied… L’examen de telles estampes pouvait, si M. Gruyer n’avait voulu borner son étude, lui servir utilement de point de départ soit pour constater ensuite le progrès du procédé et de la manière parmi les imagiers-graveurs, soit pour rechercher quelle mesure Savonarole avait voulu observer dans l’usage des ressources mystiques dont ses contemporains, prédicateurs et auditeurs, avaient encore l’habitude. Du reste, on

  1. Voyez l’Hhistoire monumentale de Romo, dans la Revue du 1er et du 15 septembre 1879.