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dans une catégorie particulière, et dans un projet qu’il a présenté il y a deux ans, le gouvernement proposait de maintenir une taxation spéciale. La commission de la chambre n’a pas voulu accepter cette classification ; elle a entendu faire rentrer la Banque aussi bien que le Crédit foncier dans le droit commun en les plaçant l’un et l’autre sous « la désignation générique de sociétés par actions pour opérations de banque. » La Banque de France a rédigé une note destinée à préciser les conséquences que cette décision pourrait avoir pour elle. Si l’œuvre de la commission adoptée par la chambre devait rester une légalité définitive, la Banque aurait à payer, pour son établissement central et pour ses succursales, des sommes dépassant toute vraisemblance ; elle aurait à supporter des droits qui pourraient s’élever à plus de 4 millions ! Remarquez qu’il s’agit ici d’une institution protégée par toute sorte de considérations d’un ordre général. Bien d’autres sociétés financières qui n’ont, il est vrai, qu’un caractère privé, le Comptoir d’escompte, la Société générale, le Crédit lyonnais, sont tout aussi durement traités. Il est tel de ces établissemens qui, avec la surtaxe pour la négociation des valeurs étrangères, avec les centimes additionnels, aurait à payer 200 francs par employé et arriverait à un chiffre de 500,000 ou 600,000 fr. de droits de patente, peut-être au-delà ! Ce n’est pas la seule anomalie qui existe dans la loi nouvelle. En réalité le système de taxation imaginé par la commission de la chambre est absolument arbitraire et inégal. Il frappe peu les maisons de haute banque qui n’ont besoin que d’un petit nombre d’employés pour faire les plus grandes opérations ; il atteint durement au contraire les banques d’escompte et de recouvrement qui desservent le petit commerce, qui emploient de nombreux auxiliaires dans leurs opérations multiples, les maisons qui ont pour ressort l’association des petits capitaux et qui font un peu les affaires de tout le monde. Cette loi qui vient d’être votée par la chambre, qui n’est pourtant pas encore définitive, elle manque le but sous certains rapports, elle le dépasse sous d’autres. Assurément il est tout simple que la fiscalité, qui va tous les jours en se perfectionnant, même sous la république, s’efforce d’atteindre ces vastes agglomérations financières et aille chercher l’argent là où il est. Il faut cependant prendre garde. Ces impôts mal conçus, excessifs, qui les paiera ? Il faudra bien qu’ils se retrouvent : ils se retrouveront peut-être ou par une diminution du nombre des employés, ou par une restriction dans les opérations d’escompte ou par une augmentation du taux des commissions, et en fin de compte il n’est point impossible que tout cela ne retombe sur les petits, sur ceux qu’on a voulu dégrever. C’est un résultat qui n’a rien d’absolument invraisemblable et qui montre une fois de plus qu’il ne suffit pas de toucher à tout, de parler sans cesse de réformes, de représenter toutes les fantaisies comme des progrès répu-