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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 juin 1880.

Il y a eu certes dans la vie si accidentée de la France bien des phases obscures et ingrates, de ces phases où, comme on lisait autrefois, il est plus difficile de connaître son devoir que de le faire. Rarement il y a eu dans ce siècle qui vieillit une phase morale et politique comme celle que nous traversons. Jamais peut-être les affaires de notre infortuné et généreux pays ne se sont plus péniblement traînées à travers les contradictions et les incohérences. Jamais elles n’ont moins répondu au désir que M. le président de la chambre des députés exprimait au commencement de la session en disant qu’il fallait enfin « aboutir. »

Rien n’aboutit, tout reste en chemin, tout se complique de plus en plus au contraire. On le sent, et c’est une banalité de nier ou de pallier le mal en accusant ceux qui se bornent à le constater d’être des ennemis des institutions, de cédera un vain esprit d’hostilité ou de fronde, de méconnaître l’état réel du pays, l’autorité et l’efficacité du régime nouveau donné à la France sous le nom de république. Ce ne sont là que des artifices intéressés de polémique pour déguiser la vérité des choses, en déplaçant toutes les questions. Non, sans doute, on ne songe pas à méconnaître ce qu’il y a dans les populations françaises de sève vivace, d’habitudes laborieuses et paisibles, de soumission facile, d’inépuisables ressources de prospérité. On ne conteste les institutions nouvelles ni dans leur principe ni dans leurs conséquences les plus naturelles et les plus légitimes. Il ne s’agit de rien de semblable. Le mal de l’incohérence et de l’incertitude existe cependant ; il est assez sensible pour frapper tous les regards. Il se manifeste sous toutes les formes, à tout propos, et comme il est entendu qu’il ne vient ni du pays ni des institutions elles-mêmes il faut bien qu’il