Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/945

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Velazquez, dont la peinture, croyons-nous, n’est pas sans quelque clarté, ni quelque fraîcheur, n’avaient point connu pareilles subtilités.

Peu à peu, à force de vouloir se singulariser, ces soi-disant réformateurs en vinrent à des audaces que le jury, malgré son extrême indulgence, ne voulut pas toujours laisser passer. En s’installant chez soi, on put à la fois éviter de pareilles mésaventures et choisir ses compagnies, sans avoir à craindre des comparaisons gênantes. Vous savez ce que sont devenues ces exhibitions où, dès le seuil, il est trop facile de reconnaître que la composition, le goût, le choix des formes, leur correction, en un mot que toutes les conventions du vieux jeu ont été abolies au profit des impressions sommaires et des sujets inédits. Les héros de l’estaminet ou du canotage, les cantatrices du bouge, les faces plâtrées des filles, les panoramas pris de la gouttière, ou des motifs empruntés à ces quartiers perdus où aboutissent les épaves de la grande ville, tout ce joli monde et cette intéressante nature, on nous les représente d’en haut, d’en bas, sous les aspects les plus imprévus, mais toujours déformés par les plus aventureuses perspectives. Après avoir déclamé contre les traditions et s’être insurgé contre les règles au nom des droits sacrés de l’art libre, on a bien été obligé d’accepter d’autres tyrannies. On ne voulait plus de principes, ni de croyances, et par une de ces superstitions à rebours dont les destructeurs à outrance sont coutumiers, on a érigé en culte la trivialité et la laideur. L’apprentissage d’un pareil métier étant devenu très rapide, la liberté a grandi d’autant et, de peur d’être le réactionnaire de quelqu’un, chacun en a pris à son aise. Les malins cependant, ceux qui avaient quelque soupçon de talent, se sont peu à peu retirés, et quand, au milieu des insanités qui font le gros de la masse, on rencontre çà et là un semblant d’harmonie, une forme à peu près indiquée, on accueille ces bonnes fortunes comme un trait de bon sens qui tire tout son prix du milieu où il se produit. On en sait gré à l’auteur, on est heureux de s’arrêter auprès de son œuvre et de trouver l’occasion de lui témoigner un peu de cette sympathie qui est au fond de toute âme humaine.

Pareils spectacles, on le conçoit, n’ont pas été sans avoir une influence sur les Salons, où cette école des à-peu-près, des vagues intentions et du lâché comptent encore trop d’adeptes. Mais de telles excentricités se tempèrent à la longue, et quand elles ne peuvent réclamer le mérite de la persécution, elles finissent par se neutraliser mutuellement. Il nous semble même que de l’excès du mal commence à sortir quelque bien. Le public, du moins, paraît aujourd’hui édifié sur la valeur de ces tentatives. Pour avoir été